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apparences de terre, et qu’il ne fut pas toujours infaillible dans ses jugemens.

Le capitaine Wilkes partit de Sidney et parvint rapidement, avec des vents très favorables, à une haute latitude. Il rencontra les premières montagnes de glaces, au commencement de janvier, à 61 degrés de latitude ; elles devinrent bientôt de plus en plus nombreuses et plus grandes, et à la latitude de 64 degrés il rencontra l’immense plaine de glaces dont les escarpemens élevés forment, sur de longues étendues, des murs droits et continus. Dans la relation de son voyage, magnifiquement publiée par ordre du congrès des États-Unis d’Amérique, Wilkes affirme avoir vu les premières apparences de terre dès le 16 janvier ; il se croit ainsi, et c’est là une prétention que j’examinerai en son lieu, autorisé à réclamer la priorité de la découverte de ce qu’il nomme le continent antarctique, parce que le pavillon français n’y fut planté que le 21 janvier. Il longea la grande banquise entre les montagnes de glaces, et un de ses navires y fut tellement endommagé, que le commandant dut le renvoyer à Sidney : il continua sa route avec le Vincennes et le Porpoise. Voyant la mer assez ; ouverte vers le sud sous le 147e degré de longitude, il s’avança dans cette direction jusqu’au 67e de latitude, mais au lieu d’un passage il ne trouva qu’un golfe ; des deux côtés, à l’est, à l’ouest, il apercevait la terre derrière la ceinture de glace des côtes. Il sortit bientôt de cette large baie, arriva en face de la côte Adélie, ayant toujours la terre en vue, et bientôt après une effroyable tempête vint l’y surprendre. La neige tombait avec une telle abondance qu’il devenait impossible de voir plus loin que la longueur du vaisseau : de temps à autre, on voyait passer, comme de blancs fantômes, les montagnes de glaces soulevées par la mer en furie. Wilkes se crut un moment perdu ; mais peu à peu la tempête s’apaisa, le vent retomba par degrés, et un soleil radieux vint éclairer la scène de la tourmente : les blocs gigantesques se balançaient encore lentement, et l’on ne put juger qu’alors, en voyant leur nombre, l’étendue du péril auquel on avait échappé.

Wilkes chercha un abri dans un étroit passage ouvert tout le long des glaces de la côte : il n’en était plus éloigné que d’un mille ; il voyait le pays, recouvert de neige, qui s’élevait en pente jusqu’à une hauteur de 1,000 mètres. Il fallut sortir du canal par où on était arrivé si près de la terre, de peur qu’il ne se refermât derrière les navires : Wilkes continua à suivre vers l’ouest la longue barrière qui semblait attachée à une ligne de côtes non interrompue. Il rencontra bientôt et contourna un cap qu’il nomma Caër, et qui n’était autre que la côte Clarie de Dumont d’Urville : au-delà de ce vaste promontoire, entouré d’une multitude de montagnes de glaces, il