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laissent l’esprit dans le doute. Le groupement seul est une clarté ; il élimine ce qui est accidentel, montre la constance du phénomène, et le présente sous toutes ses faces. Ainsi, de nos jours, plusieurs ont pu être singulièrement étonnés d’entendre parler d’esprits qui frappent, de tables qui ont des âmes, de lumières qui apparaissent, de sons qui se produisent miraculeusement. Eh bien ! qu’ils se retournent vers le passé, et ils vont trouver tout cela, ou l’analogue, dans les récits historiques. Je dirais, s’il avait pu rester quelque méfiance sur le fond de ces récits, que les faits actuels leur donnent créance, comme à leur tour ces récits mettent à leur place les faits actuels. L’ensemble de ces manifestations maladives est limité dans un cercle assez étroit. Il s’agit toujours de troubles des sens qui font voir, entendre ou toucher, d’extases qui mettent le système nerveux dans des conditions très singulières, de modifications graves dans la sensibilité, de convulsions énergiques qui donnent au système musculaire une puissance incalculable. Puis, à ces circonstances générales se joint ce que fournissent les idées et les croyances du temps. Dans un siècle, la pythonisse reçoit le souffle d’Apollon, et la sorcière conjure Hécate par ses évocations ; dans un autre, c’est le diable difforme ou ridicule du moyen âge qui hante les imaginations. Sous une autre influence, les anges du Seigneur envoient des secours aux malheureux persécutés. Sous une autre influence encore, à cette vision des esprits se mêlent des idées mystiques sur les fluides hypothétiques que la science a mis en honneur.

C’est ce qui est arrivé de notre temps et ne pouvait arriver qu’à ce moment en effet. De notre temps aussi on peut apercevoir quelques causes analogues à celles qui jadis ont agi collectivement sur les esprits. Notre époque est une époque de révolutions. Des ébranlemens considérables ont à de courts intervalles troublé la société, inspiré aux uns des terreurs inouies, aux autres des espérances illimitées. Dans cet état, le système nerveux est devenu plus susceptible qu’il n’était. D’un autre côté, quand le sol social semblait manquer, bien des âmes se sont retournées avec anxiété vers les idées religieuses comme vers un refuge, et ce retour n’était pas pur de tout alliage ; il se faisait en présence des idées opposées, qui conservent leur part d’ascendant, et en présence des idées scientifiques, qui ont inspiré un grand respect, même à ceux qui en redoutent l’influence. Voilà un concours de circonstances qui a dû favoriser l’explosion contemporaine. Je dis favoriser et non produire, car il en est, je pense, de ces affections collectives de l’esprit comme des affections collectives du corps ; on connaît souvent ce qui en aide le développement ; on connaît rarement ce qui le cause de fait. Au reste, tout le chapitre très digne de méditation qui est constitué dans