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les fois que l’on trouve un organe dans un être animé, on doit, sa position et sa structure étant connues, chercher quel en est l’objet, et comment il sert, pour sa part, à la vie et au bien-être du corps tout entier, quoiqu’on puisse prévoir parfois, avec Bacon, que cette re- cherche sera stérile.

On s’est bien vite aperçu que la fonction des yeux était de voir, celle des jambes de marcher, celle des oreilles d’entendre; pour d’autres organes cependant, la chose était plus difficile ; pour quelques-uns même, la question est loin d’être décidée, et restera peut-être insoluble. Les organes des sens ont montré les premiers quelles sont leurs fonctions, puis on a vu peu à peu que le poumon respire, que le cerveau sert à sentir, que le cœur se contracte, et envoie le sang dans toutes les parties du corps; mais les amygdales, le corps thyroïde, un certain organe dans le nez du chien, la rate, ont des fonctions, si elles en ont, encore inconnues. Entre ces extrêmes se place un organe au moins aussi remarquable que les premiers, car il est plus volumineux même que le cœur et le cerveau : c’est le foie. C’est sur ce mystérieux viscère qu’ont le plus discuté les anciens, et c’est sur lui que se poursuit sous nos yeux mêmes un important débat. Le foie est presque égal en grosseur au poumon, et aucun animal n’en est privé. On le trouve à tous les degrés de l’échelle, chez les mammifères les plus complets et chez les individus les plus imparfaits des insectes et des mollusques. Parfois le cœur et le poumon sont atrophiés, et remplissent des fonctions à peine comparables à ce que nous appelons, chez les animaux supérieurs, la respiration et la circulation, tandis que le foie fonctionne à merveille, et subsiste presque seul dans la cavité abdominale. Dans le fœtus, il apparaît avant la plupart des autres organes, vers les premiers temps de la gestation, comme s’il était indispensable même à la vie embryonnaire. Enfin son poids est considérable par rapport au poids du corps, et il sécrète en abondance un liquide qui, a priori, semble ne pas devoir être inutile dans l’organisation. Toutes ces raisons rendent intéressante la recherche du rôle de cet organe, rôle fort important, si l’on se fie aux apparences et aux règles qui nous servent à juger des machines qui fonctionnent devant nous. Depuis trois ans, la discussion s’est ouverte de nouveau sur ce sujet, souvent étudié, et un mois ne se passe guère sans que l’Académie des Sciences ne soit prise pour juge entre les deux théories diverses de M. Bernard et de M. Figuier. Avant de chercher qui des deux a raison, jetons un coup d’œil rapide sur ce qu’on savait du foie avant les premières expériences qui ont fait connaître M. Bernard.

Démocrite pensait que le foie est le siège de l’amour, et les anciens localisaient à droite une passion que nous plaçons aujourd’hui