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remarquable de cette société. On chercherait vainement dans l’histoire un type plus parfait d’une organisation républicaine. L’indépendance, l’autonomie des départemens est presque illimitée pour tout ce qui regarde leur administration intérieure et le choix des moyens les plus propres à atteindre le but proposé. » La liberté dans l’unité, tel est en effet le caractère des statuts qui ont fait jusqu’ici la force de cette association. Chaque département est un cercle d’amis qui se réunissent de temps en temps pour discuter les intérêts de la société en général ou les intérêts du groupe en particulier. À certaines époques de l’année, on tient des séances solennelles. Nous avons assisté à une de ces séances, qui sont à la fois des soirées littéraires et des distributions de prix. La société d’utilité publique a cru entrevoir une lacune dans la loi civile qui punit le crime sans récompenser les actions vertueuses : elle cherche à combler cette lacune en témoignant sa reconnaissance pour les traits de courage ou de désintéressement. Les récompenses consistent soit en un diplôme honorable, soit en un cadeau de livres, soit en une médaille d’or ou d’argent. Les membres de l’association prononcent ensuite des discours. À la campagne surtout, ces réunions sont des fêtes de famille. On y fait de la musique, quelquefois des expériences de physique amusante. On y vient pour s’instruire et pour se divertir en même temps. Les femmes et les enfans sont de la partie : ce ne sont pas les yeux les moins ouverts ni les oreilles les moins attentives. La société ne dédaigne pas d’employer les femmes ; elle leur confie la surveillance des salles d’asile, l’instruction des jeunes filles, et d’autres œuvres de bienfaisance qui demandent un tact délicat.

Ce qui distingue en outre la société tot nut an’t Algemeen, ce sont ses tendances libérales. Elle plane au-dessus des sectes religieuses, dont elle réunit les différens membres sur le terrain de la morale et de la charité. Une direction d’idées si universelle s’opposa toujours au développement de cette institution dans les provinces belges. Avant la séparation, il existait bien quelques départemens en Belgique ; mais le clergé regardait ses progrès d’un œil de défiance, et les efforts de Guillaume Ier pour introduire la société dans cette partie de ses états demeurèrent à peu près stériles. Cette tolérance de la société d’utilité publique s’est pourtant démentie dans une circonstance récente. Il s’agissait de savoir si l’on admettrait les Juifs comme membres de la société. Le débat fut porté à l’assemblée générale. Déjà cette question s’était présentée il y a plusieurs années, et elle avait été résolue négativement. Ceux qui se prononcent pour l’exclusion se fondent sur un des statuts, qui dit que la société a été créée pour encourager les bonnes mœurs