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vement et la vie aux affreuses activités de la guerre civile et de l’anarchie.

Oui, en même temps que l’Union voit grandir sa prospérité matérielle et sa richesse, elle voit s’étendre aussi la néfaste institution de l’esclavage. Le temps n’est plus où l’on pouvait croire que les progrès de la nation amèneraient la ruine de cette iniquité ; le temps n’est plus aussi où les hommes d’état modérés pouvaient se flatter de l’abolir successivement, par des compromis, par l’annexion de nouveaux états, par la discussion. Désormais ces illusions sont passées, et il ne reste plus, pour résoudre cette question, que le moyen qu’emploient également les désespérés et les tyrans, — la violence.

L’histoire des dix dernières années est grosse d’enseignemens, elle explique très bien comment les demi-moyens et les transactions, utiles dans les questions d’ordre moral, sont impuissans contre un mal matériel, et comment un principe abstrait est incapable de lutter contre des intérêts qui n’ont jamais reposé sur aucun principe. Allez donc lutter contre la gangrène au moyen de sirops et de calmans ! En croyant soulager le malade, vous ne ferez qu’étendre la plaie, et le moment viendra où vous vous apercevrez que l’unique remède était de couper le membre infecté. Allez donc lutter contre l’usure au moyen d’amortissemens lents et successifs de votre dette ! Vous vous ruinerez à vouloir combler ce tonneau des Danaïdes, si vous n’avez en main un moyen d’éteindre d’un coup cette dette prolifique et envahissante. Telles ont été malheureusement la condition et la politique des états du nord depuis dix ans dans cette question de l’esclavage : ils ont agi comme le chirurgien temporisateur avec le membre gangrené, comme le débiteur obéré avec l’usurier habile. Le nord a été dupe, même dans les transactions qui semblaient devoir tourner à son avantage, et pourtant, dupe ou non, il a fait son devoir. Il ne pouvait aller au-delà de ce qu’il a fait sans poser la terrible question devant laquelle le cœur le plus ferme aurait reculé. Il a fait ce qu’il devait faire. Seulement aujourd’hui il a épuisé tous les moyens de conciliation, et il ne peut plus rien accorder sans se suicider lui-même.

Tout a servi le sud, et maintenant c’est lui, on peut le dire, qui guide momentanément les destinées de la république. Le compromis Clay lui a bien enlevé la faculté de transporter ses esclaves dans un pays qui les repoussait naturellement, comme la Californie, ou dans un territoire désert qui n’offrait aucune ressource au travail servile, comme le Nouveau-Mexique ; mais en revanche il lui a donné la faculté de couper quatre états nouveaux dans un immense territoire où l’esclavage est déjà établi : le Texas. En outre l’article le plus nouveau et le plus important du compromis de 1850, le bill sur les