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et le plus sûr d’en concentrer l’application sur ses emplois les plus utiles, d’en faire cesser la rareté, d’en rétablir l’abondance. La cherté du crédit empêche en effet le gaspillage des capitaux. Elle les détourne d’entreprises qui compromettraient le présent en les entraînant à la poursuite d’un avenir lointain et douteux; elle les ramène vers l’emploi actuel le plus avantageux à la société, qui est l’activité des fonds de roulement du commerce et de l’industrie; elle contribue à la formation des nouveaux capitaux, qui ne peuvent sortir que des épargnes accumulées sur les profits des affaires existantes, et prépare ainsi le retour de l’abondance et du bon marché. Ceux qui, confondant les effets avec les causes, dénoncent dans un temps de rareté des capitaux les banques comme responsables et coupables de l’élévation de l’intérêt, ressemblent à ces foules ignorantes qui, en temps de disette, s’irritent contre les marchands de grains, et poursuivent de l’épithète d’accapareurs les hommes dont l’industrie assure les approvisionnemens généraux.

La conclusion logique de ces considérations, c’est qu’au double point de vue de la situation monétaire et de la situation du crédit, l’élévation du taux de l’intérêt décidée par la Banque de France au mois d’octobre a été une mesure préservatrice bien plus qu’une mesure restrictive. Le mot de restriction est impropre dans cette circonstance, et, pour s’en convaincre, il n’y a qu’à observer la conduite que la Banque a suivie depuis cette époque à l’égard du commerce. Après avoir, par la hausse de l’intérêt, protégé son encaisse contre les saignées de numéraire que les opérations de change eussent pu y pratiquer et protégé le crédit commercial en concentrant sur lui les principales ressources des capitaux disponibles, la Banque a poursuivi deux buts. D’un côté, elle s’est laborieusement appliquée à reconstituer son encaisse, afin de tenir constamment à la disposition du commerce les valeurs en métaux précieux dont il aurait besoin pour l’exportation; elle a fait pour cela des achats de numéraire qui s’élevaient au 31 janvier dernier à 298 millions, et qui lui avaient coûté, pour l’exercice 1855, 3,920,000 francs. C’est grâce à ces achats qu’elle a pu fournir en dix mois 534 millions d’espèces au gouvernement et au commerce, sans tarir sa réserve, qui était de 451 millions au 29 mars 1855, et qui restait à 215 le 14 février dernier. D’un autre côté, elle a répondu à toutes les demandes du crédit commercial avec une libéralité dont témoigne le chiffre de ses escomptes. Dans le seul mois de décembre 1855, elle a porté à 513 millions ses escomptes, qui n’avaient été que de 343 millions pendant le mois correspondant de l’année précédente. On ne peut certes point donner à une pareille expansion des escomptes le nom de restriction du crédit. Parmi les mesures de la Banque, il y en a