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politique et de considération que nous ont acquis les exploits de nos soldats et la justice de la cause pour laquelle ils avaient tiré l’épée; il calmera le cuisant souvenir qui a pesé d’un si grand poids sur notre politique intérieure et extérieure, qui tient si fort et si douloureusement au cœur de la nation. Ne nions pas cette blessure que chacun de nous porte toujours saignante dans son sein, mais restons bien convaincus que, pour la guérir efficacement, il nous faut du temps, de la prudence et surtout de la modération. Toute entreprise aventureuse nous exposerait à perdre le terrain que nous avons déjà regagné, et l’Europe, qui nous redoute, serait bientôt réunie contre nous. Comprenons bien l’enseignement qui doit ressortir de la situation où la paix vient nous surprendre. Après deux ans d’une guerre où nous avons combattu pour les intérêts généraux de l’Europe au moins autant que pour les nôtres, où il n’est presque pas un gouvernement qui n’ait affirmé que le bon droit était tout entier de notre côté, nous n’avons encore pour alliés actifs que l’Angleterre et le Piémont. De l’Autriche, plus intéressée que nous dans la question, nous n’avons guère obtenu que des paroles; partout ailleurs nous n’avons rencontré que froideur ou malveillance presque déclarée, comme à Naples, ou même des hostilités ouvertes, comme en Grèce. Il n’y a que la Suède qui fasse exception, exception honorable et dont nous devons tenir grand compte, si nous avons égard à la position particulière du roi Oscar. Il faut profiter de la leçon, en sachant attendre le jour et l’heure, en sachant ne vouloir chaque fois que ce qui est possible. L’état critique de l’Europe suffira bien à nous fournir des occasions. Nous n’avons d’ailleurs sous ce rapport qu’à nous montrer conséquens avec nous-mêmes, car c’est seulement justice de reconnaître que si dans sa politique intérieure la France a depuis 1815 commis de déplorables erreurs, elle a au moins, dans ses rapports généraux avec l’Europe, montré de l’habileté, de la fermeté, de l’esprit de suite. Soyons équitables envers les gouvernemens qui ne sont plus, et confessons qu’ils ont tous montré du courage, du patriotisme et de la sagesse dans cette œuvre de réparation qu’il est du devoir de la France de poursuivre. Chacun l’a fait à sa manière, selon ses moyens, selon les ressources du jour et dans le sens des principes qu’il préférait; mais tous ont gagné quelque chose. La restauration a débuté par l’expédition d’Espagne et fini par la conquête d’Alger, qui valait mieux que la campagne de 1823. La monarchie de 1830 a la première porté une atteinte directe aux traités de 1815 par le démembrement du royaume des Pays-Bas, par la fondation du royaume de Belgique; elle a offert bravement la bataille aux puissances du Nord sous les murs d’Anvers. La première aussi, par le traité de la quadruple alliance, elle est parvenue à nous constituer en ligue politique opposée à celle