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cette nouvelle disposition des âmes fut le Génie du Christianisme. Ce livre, trop dédaigné aujourd’hui, était bien ce qu’il fallait à cette époque de convalescence religieuse. Il n’était pas temps encore de présenter le christianisme sous ses aspects mystérieux et sombres, et de l’imposer comme une foi; mais c’était beaucoup déjà d’en faire goûter la beauté, la poésie, d’en montrer les affinités avec les arts, avec la nature, avec les besoins du cœur. Le Génie du Christianisme inclinait les âmes sans asservir les volontés. Il offrait une voie moyenne assez convenable à ces esprits ébranlés, qui ne voulaient pas encore croire, qui ne voulaient plus nier, et qui se reposaient à mi-côte sur la pente agréable et facile de l’admiration.

Deux ouvrages éminens furent encore dus à cette résurrection de l’esprit chrétien : les Soirées de Saint-Pétersbourg, plaidoyer éloquent et paradoxal en faveur de la Providence; l’Essai sur l’Indifférence, dont le titre seul était déjà une idée juste et forte, malheureusement gâtée par un système insoutenable. La poésie s’associa à ce mouvement, et il faut avouer que nous lui devons les plus beaux accens de la muse contemporaine. La tristesse religieuse des Méditations, l’élan mystique des Harmonies, ont inspiré des chants bien supérieurs à toute la poésie du XVIIIe siècle. Plus tard, des prédications célèbres, où une dialectique éloquente et une imagination enflammée se disputaient la faveur publique, essayèrent de faire pénétrer plus profondément les idées religieuses par le glaive de la parole. Ainsi l’on vit se reproduire en petit le spectacle qu’avait présenté le XVIIe siècle. Alors le catholicisme, rajeuni et épuré par sa lutte contre la réforme, avait donné le plus bel exemple de l’esprit religieux uni à la culture de l’esprit. De même après le XVIIIe siècle l’église, encore une fois secouée par le malheur et aiguillonnée par l’attaque, fit les plus grands efforts pour se purifier elle-même et pour convertir le siècle. Je ne veux point dire que cette généreuse tentative fût pure de tout alliage : peut-être y trouverait-on quelquefois plus de politique que de religion sincère, plus d’inimitié contre la philosophie que de véritable piété, plus d’imagination que de sentiment, plus de paradoxes que de science solide et de forte théologie; mais, toute part faite à la faiblesse humaine, il reste un bel et puissant effort pour réveiller le sentiment religieux dans une société indifférente et désorientée.

Tandis que la religion tentait des moyens nouveaux pour reconquérir les âmes qu’elle avait ou perdues ou abandonnées dans le siècle précédent, la philosophie essayait une semblable transformation. Benjamin Constant et Mme de Staël, bien que profondément pénétrés de l’esprit du XVIIIe siècle, comprenaient cependant que l’Encyclopédie n’avait pas dit le dernier mot sur les questions religieuses. Le livre sur la Religion, dépassé depuis par la science allemande,