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fils de la conspiration de Cellamare. La morale de Fanchonnette est encore plus pure que celle de Manon Lescaut. La musique est de M. Clapisson, homme de talent, compositeur laborieux, qui est entré à l’Institut un peu sur parole, bien qu’il eût déjà donné au public, comme on disait autrefois, cinq ou six ouvrages, parmi lesquels se trouve un grand opéra en cinq actes, Jeanne la Folle. M. Clapisson a eu souvent des malheurs, et malgré le succès qu’avaient obtenu le Code noir et Gibby la Cornemuse, deux opéras plus bruyans que comiques, malgré les nombreuses représentations de la Promise au Théâtre-Lyrique, M. Clapisson n’avait pu conquérir encore ni la popularité de M. Adam, ni les suffrages des juges difficiles. A-t-il été plus heureux dans Fanchonnette! C’est ce que nous allons voir.

L’ouverture, après quelques mesures de mise en demeure, prélude par un dialogue de deux clarinettes basses qui visent évidemment à l’esprit en préparant l’explosion d’un mouvement de valse habilement traité, puisque c’est à la manière de M. Auber. La péroraison est un peu étranglée, et laisse à désirer un développement qui n’arrive pas. Le chœur d’introduction, qui peint le désordre et l’animation d’un champ de foire avec les différens cris des marchands ambulans, est écrit avec esprit, et atteint le but que se proposait le compositeur. La romance que chante Gaston de Listeney racontant à ses camarades son aventure avec Fanchonnette après le duel qui a failli l’envoyer dans l’autre monde.

Elle était là tremblante,


est très jolie, principalement le refrain :

Quand elle est pauvre,
Une fillette
Ne donne pas tout ce qu’elle a.


qui est élégamment tourné et bien chanté par M. Montjauze. L’air de Fanchonnette, avec les fines broderies vocales dont il est parsemé, est encore très bien réussi pour la voix de l’habile cantatrice qui se joue des plus grandes difficultés. L’accompagnement du chœur et le point d’orgue admirablement modulé qui s’en dégage à la cadence forment un heureux ensemble. Le duo des cartes, entre Gaston et Fanchonnette, qui lui dit la bonne aventure, très bien disposé pour la scène dont il exprime les sentimens, est presque un morceau de maître, car il est impossible de faire mieux ressortir les qualités éminentes de la prima donna. Une romance que chante encore Fanchonnette, car on la prodigue beaucoup, lorsqu’elle découvre que Gaston, qu’elle aime en secret, est épris de la nièce du financier Boisjoli :

Allons, mon cœur, tais-toi !


est d’un beau sentiment, et l’accompagnement très soigné, comme toute la partition. Enfin le finale de ce premier acte, si rempli de morceaux heureusement venus, contient encore une ronde d’un rhythme franc qui va droit