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Hamilton. Il professait le droit et l’histoire à l’université d’Édimbourg lorsque son collègue, M. Napier, qui venait de remplacer Jeffrey à la direction de la Revue, le pria instamment d’examiner dans ce recueil les leçons que M. Cousin donnait en 1828, et qui venaient d’être publiées. La compétence de M. Hamilton pour traiter de pareils sujets était bien établie, quoiqu’il eût échoué dans sa juste prétention de succéder à Brown devant la candidature plus politique et plus ecclésiastique que philosophique de John Wilson. Il écrivit donc l’article qu’on lui demandait ; ce morceau fut remarqué, et dans son livre il ouvre la série de ses essais philosophiques. Nous ne dissimulerons pas qu’il attaque un point important de la doctrine qu’il analyse. M. Cousin a rendu trop souvent un noble hommage à son habile critique pour qu’il soit embarrassant de rappeler leurs dissidences. Notre illustre maître a même fait des efforts personnels et employé sa juste autorité dans la science pour contribuer à la nomination de M. Hamilton, en 1836, comme titulaire de la chaire de métaphysique et de logique qu’il remplit aujourd’hui. Et celui-ci, qui lui a dédié son édition de Reid, a écrit en réimprimant son article : « M. Cousin est un philosophe pour le caractère et le génie duquel j’avais dès-lors la plus vive admiration, — une admiration que chacune des années qui se sont succédé n’a fait qu’augmenter, justifier, confirmer. Et en parlant ainsi, je n’ai besoin de faire aucune réserve, car j’admire même quand je diffère, et lors même que par hypothèse les spéculations de M. Cousin seraient complètement abolies, il lui resterait l’honneur de faire plus par lui-même, et d’aider les autres à plus faire pour la cause d’une philosophie éclairée qu’aucun homme vivant en France, — je pourrais dire en Europe. » Nous ne discuterons pas le point controversé entre les deux savans contradicteurs. Nous dirons seulement que M. Hamilton, croyant retrouver dans une théorie de M. Cousin sur la conception positive de l’absolu et de l’infini par la raison pure quelque chose du principe de l’intuition intellectuelle de Schelling, s’est efforcé d’établir, par une critique très claire et très serrée, que rien d’inconditionnel, et par conséquent d’absolu et d’infini, ne peut être ni connu ni conçu, et que l’esprit ne saurait s’approprier, sous cette forme qu’on appelle la connaissance, autre chose que le relatif et le limité, la pensée même étant l’acte d’une détermination, et la détermination étant incompatible avec l’absolu et l’infini. Cette doctrine, qui entraînait une critique des idées de la secte éléatique et des écoles alexandrines dans l’antiquité, et de presque toute la philosophie allemande chez les modernes, peut invoquer en sa faveur l’esprit général du péripatétisme et quelques passages d’Aristote ; mais à coup sûr elle n’eût point été désavouée par Reid, et elle plaçait