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de fer. Il en fut de même pour certaines matières employées dans les manufactures, telles que les graisses, les suifs, les laines. Pendant ce temps, le coût des transports maritimes s’était élevé dans des proportions excessives, et les navires manquaient au commerce. On fut donc autorisé à réduire diverses surtaxes qui avaient eu pour but de favoriser le pavillon national, à lever la prohibition qui empêchait l’achat des bâtimens hors du pays, et à admettre en franchise la plupart des matières destinées aux constructions navales. Ces diverses dispositions étaient si impérieusement commandées par les circonstances et tellement justifiées par l’extrême cherté qui se produisait à la fois sur tous les marchés, que le gouvernement n’avait pas à craindre que sa responsabilité fût sérieusement compromise par l’application immédiate de mesures pour lesquelles il eût été nécessaire, en temps normal, de solliciter préalablement la sanction législative. Sans doute il ne faudrait pas abuser des procédés extra-légaux, et il y aurait imprudence à s’écarter trop fréquemment des voies tracées par la constitution ; mais l’urgence était manifeste, et l’on a voulu sans doute calmer les scrupules de légalité en ne décrétant que jusqu’à nouvel ordre les principales modifications introduites dans le régime commercial. Ce mode réserve les droits de l’autorité législative.

Quoi qu’il en soit, nous n’avons à apprécier ici que la portée économique des actes qui viennent d’être énumérés. Or il est incontestable que ces actes, considérés isolément ou dans leur ensemble, sont l’indice de grands progrès et le présage de progrès plus grands encore dans la carrière des réformes. Les personnes qui ont suivi avec attention les discussions de nos assemblées parlementaires en matière de douanes se souviennent des batailles acharnées qui se sont livrées en l’honneur des bestiaux, des houilles, des fers, des constructions navales. Si quelqu’un avait prédit en 1847, ou même en 1850, qu’un bœuf du Luxembourg pourrait tranquillement, en l’an de grâce 1856, franchir notre frontière pour 3 francs, ou que les rails anglais seraient admis au droit de 6 francs par tonne, on l’eût traité de visionnaire. Cela est cependant, nul intérêt n’en souffre, et il ne semble pas que la fin de la crise que nous traversons doive amener le retour aux anciennes taxes. Si ce n’est en ce qui concerne les céréales, les droits récemment établis à titre provisoire ne seront certainement pas relevés.

Si l’on envisage ces faits au point de vue des principes, doit-on penser qu’ils annoncent de la part du gouvernement l’intention d’abjurer ses anciennes doctrines et de se convertir au libre-échange ? On ne peut le croire ; les déclarations les plus solennelles ont été multipliées à cet égard. Les dégrèvemens de tarif qui viennent d’être décrétés ne sont que l’application intelligente et raisonnée des doctrines de protection, quelques-uns même ne sont que des expédiens de circonstance. Ce n’est point en vue de favoriser la concurrence étrangère, ni pour supprimer de prétendus monopoles, que le gouvernement s’est décidé à abaisser ou à supprimer en si peu de temps un si grand nombre de taxes. Il s’agit tout simplement de combler un déficit dans notre approvisionnement intérieur, et d’arrêter l’élan de cherté qui élève le prix des principales marchandises au-dessus du niveau qui constitue pour l’industrie ce qu’on appelle le taux rémunérateur. On a tenu compte de l’intérêt