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de renoncer pour un temps au corps auxiliaire que l’empereur de Russie s’était engagé à lui envoyer. Au printemps de 1813, il fut convenu qu’il viendrait en Allemagne pour y prendre le commandement général des armées alliées ; cependant il comptait bien se servir avant tout des forces qu’on mettrait à sa disposition dans l’intérêt de ses propres vues, et commencer la campagne par une entreprise contre le Danemark, afin de forcer le cabinet de Copenhague à céder la Norvège. Bernadotte allait partir, lorsqu’il apprit, au mois de mai 1813, non-seulement que les contingens russe et prussien n’étaient pas prêts, mais encore qu’un envoyé russe, le prince Dolgorouki, venait d’arriver à Copenhague pour essayer d’attirer le cabinet danois dans l’alliance continentale, succès en vue duquel le cabinet de Saint-Pétersbourg garantirait la possession de la Norvège à ses anciens maîtres. Ce n’était pas le compte de Bernadotte. Ses défiances instinctives se rallumant, il se crut joué, et céda avec sa facilité habituelle au dépit et à la frayeur. Ses officiers tremblèrent des résultats que pourrait entraîner sa mauvaise humeur. « Il faut, disait-il, que la Suède, que l’Europe tout entière ait connaissance de la conduite des Russes à mon égard et de leur perfidie. » Et il adressait la note suivante au premier ministre, M. d’Engeström : « Écrivez aux comtes Charles et Gustave de Löwenhielm qu’ils aient à exiger officiellement le renvoi du représentant danois à Saint-Pétersbourg et celui du prince Dolgorouki de Copenhague, car il est important que nous connaissions le terrain sur lequel nous marchons. Si l’empereur Alexandre est fidèle à sa parole, nous tiendrons nous-mêmes nos promesses ; mais si le mauvais esprit qui anime ses ministres l’emporte sur la franchise et la justice, il nous reste de puissantes ressources pour nous rétablir dans la position que nous devons garder en présence des éventualités diverses. — Écrivez au comte Palin (ministre de Suède à Constantinople) pour lui donner connaissance de nos traités avec la Russie, l’Angleterre et la Prusse. Faites entendre que c’est nous qui avons calmé les Finlandais à l’heure où ils allaient se soulever en masse et marcher contre Pétersbourg. Insinuez qu’en dépit de leurs désastres, les Polonais sont résolus à reconquérir leur indépendance à tout prix, et qu’ils ont à leur tête des hommes de tête et de cœur. Montrez que l’Autriche est envieuse des progrès rapides de la Russie, lesquels ne sont dus qu’aux conseils de la Suède. Faites voir que l’Allemagne est déjà lasse du ton dominateur du cabinet russe, que les armées d’Allemagne ont beaucoup souffert, et que Napoléon vient de retirer d’Espagne cent mille hommes, pour les conduire entre l’Elbe et le Rhin. En dépit de tous les succès qu’il a obtenus, l’empire russe n’a jamais été si près de sa perte, et rien que la loyauté de sa conduite peut le protéger. Que Palin,