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préparés à la liberté, ou plutôt ils n’avaient jamais complètement cessé d’être libres. Jamais la féodalité ne poussa dans le sol norvégien de profondes racines ; des coutumes héréditaires introduites dans la loi, l’odels-ret par exemple, y ont toujours opposé une digue à peu près infranchissable à la formation et aux envahissemens de la grande propriété. Aux anciennes pirateries, dans lesquelles les Scandinaves déployaient une énergie en apparence indomptable et sauvage, avait succédé la double et bienfaisante influence du christianisme et du travail. Le commerce et la pêche étaient devenus les sources plus légitimes et en même temps plus fécondes d’un bien-être auquel naguère le pillage seul devait subvenir. Ouvrez les vieux livres norvégiens, Snorre Sturleson, le Kongespeil ou Miroir royal, tous ces curieux témoins d’une civilisation naïve, il est vrai, mais qui fut plus complexe et plus brillante que nous ne le savons généralement ; ouvrez ces livres du XIIe et du XIIIe siècle scandinave, et vous verrez combien étaient libres dans leur activité déjà puissante le paysan et le marchand norvégiens, ces véritables maîtres du pays. Quelle société déjà sage et bien réglée révèlent ces conseils de l’auteur inconnu du Miroir royal, — sans doute un marchand, que dis-je ? un négociant, un riche armateur, — lorsqu’il écrit pour son fils ces lignes, empreintes d’une respectable expérience : « Il est nécessaire, pour celui qui veut faire le commerce, de s’exposer à de nombreux dangers, soit qu’il visite des pays non chrétiens ou des régions inconnues ! — Levez-vous, mon fils, de bon matin ; allez à l’église la plus voisine entendre la messe et prier Dieu ; faites vos affaires jusqu’au repas, c’est-à-dire jusqu’au milieu du jour. Que votre table soit couverte de linge blanc et de mets que recommande leur saveur. Dormez un peu après le repas, ou plutôt prenez quelque promenade, pendant laquelle vous saurez vous enquérir de ce que font les autres négocians et des marchandises nouvellement arrivées sur la place. De retour au logis, examinez les vôtres ; si elles se gâtent, vendez-les promptement, mais sans en dissimuler la mauvaise qualité, afin que votre réputation n’en souffre pas. — Soyez vigilant, mais sans que votre santé nuise à votre application. Ne soyez pas triste, mais plutôt enjoué, aimable, d’humeur égale et point inquiète. Soyez intègre et pur dans votre vie. Enseignez le bien et joignez-vous à ceux qui le pratiquent. Parlez peu. Fuyez comme le démon le jeu, l’ivresse, les querelles et les vils plaisirs. — Sachez l’arithmétique, indispensable au commerçant. Étudiez comment s’illumine le firmament, quels sont et le cours des astres et l’alternative du jour et de la nuit et la raison du calme ou des tempêtes de l’Océan, toutes choses nécessaires à qui veut naviguer. Étudiez les lois, celles-là surtout qui règlent les rapports du