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elle a dû, en acquérant la Norvège, perdre encore la Poméranie, et de la sorte, n’ayant plus un pied sur le continent, elle s’est trouvée isolée, reléguée dans son extrême nord, loin du mouvement général, et sous la main pesante de la Russie. La politique de 1812 lui a été funeste, comme l’a été, comme le sera pour le Nord tout rapprochement vers la Russie. C’est pour cela que, rejetant à l’avance toute crainte des dangers futurs, ou préférant le péril ouvert aux intrigues cachées, la Suède a rétabli enfin, au profit de son indépendance, de sa dignité, de son bonheur intérieur, l’antique alliance, trop féconde autrefois pour ne pas le redevenir encore. La Russie avait cru pouvoir tromper la Suède. Après avoir fait servir Bernadotte à l’exécution de ses projets, elle l’avait abreuvé de dégoûts, lui avait marchandé et diminué la récompense promise, elle avait même essayé de la lui reprendre, — et voilà que le fils de Bernadotte, vengeant à la fois son pays et son père, a revendiqué l’ancienne indépendance et les anciennes amitiés. S’il n’a pu réparer la faute de Gustave IV abandonnant lâchement aux Russes la Finlande, il a achevé du moins et rend justifiable, en affermissant l’union des deux royaumes rapprochés par les traités de 1814, une partie de la tâche que s’était imposée Bernadotte.

Nous ne pouvions souhaiter à ces études sur les intérêts du Nord Scandinave dans la guerre d’Orient une conclusion plus décisive que l’alliance nouvelle des Suédois avec les puissances occidentales. Ceux d’entre eux qui rêvaient l’humiliation complète de la Russie, la reprise de la Finlande avec le second fils du roi Oscar, habile et brave marin, pour vice-roi, — même la réunion des trois royaumes Scandinaves en un seul, ou du moins un rapprochement du Danemark avec le prince royal de Suède pour roi après la mort de Frédéric VII (nous avons entendu exprimer tous ces vœux et bien d’autres), — ceux-là ne seront pas entièrement satisfaits sans doute des conditions de la paix générale, mais ils conviendront cependant que leur pays a été replacé dans ses voies naturelles, après des expériences cruelles, mais instructives, qui l’empêcheront désormais de s’en écarter encore.


A. GEFFROY.