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ses yeux, qui brillaient comme du feu. M. de Mauvezin la couvrit de ses regards quand elle entra.

— Enfin ! dit-il en lui offrant son bras.

— Oui, enfin ! répondit-elle.

Son accent surprit Mme de Fougerolles. — Tu as la fièvre, mon enfant, dit la baronne.

Alexandrine, sans répondre, passa son bras sous celui de M. de Mauvezin. — Voulez-vous me donner cinq minutes ? lui dit-elle. J’ai quelque chose encore à vous rappeler.

Mme de Fougerolles, qui était d’une gaieté charmante, la menaça du doigt. — Déjà ? fit-elle. Que sera-ce donc quand il sera ton mari !

Quand ils furent seuls, Mlle du Rosier ouvrit un petit coffret qu’on voyait sur la cheminée du cabinet où elle avait conduit M. de Mauvezin.

— Vous souvient-il d’une lettre que vous m’avez écrite l’an dernier après la mort de mon père ?

— Ah ! mademoiselle, vous êtes cruelle ! répliqua M. de Mauvezin.

— J’en ai reçu une autre il y a huit jours. Celle-là est d’Évariste. Les voici toutes deux… regardez-les, et dites-moi, après les avoir lues, si l’on peut hésiter entre vous ?

M. de Mauvezin tressaillit comme s’il avait été mordu par un serpent.

— C’est une trahison ! s’écria-t-il.

— C’est une réponse, dit-elle avec force. Vous pouvez maintenant demeurer aussi longtemps qu’il vous plaira au château, où Mme de Fougerolles vous a invité ; mais vous me connaissez assez à présent pour savoir que jamais je ne porterai votre nom.

Alexandrine rentra seule au salon. — Et ton mari ? demanda Mme de Fougerolles.

Mlle du Rosier prit la main d’Évariste.

— Le voilà, dit-elle.

Deux cris de joie lui répondirent, et Mlle du Rosier se trouva dans les bras de sa sœur. L’assemblée entière s’était levée.

Mme de Fougerolles, tout interdite, regardait partout, cherchant M. de Mauvezin.

— Mais pourquoi ? dit-elle enfin.

— Pourquoi ? répondit Mlle du Rosier en brûlant à la flamme d’une bougie une lettre qu’elle tenait à la main. À présent je puis l’oublier.


Amédée Achard.