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le séjour d’Omer-Pacha en Bosnie, n’avait négligé aucune occasion d’affaiblir l’ascendant politique de la Porte-Ottomane à Bucharest comme à Jassy. La marche des événemens nous montrera le développement de ces influences, et les complications diplomatiques qui précédèrent l’heureuse campagne du général turc n’expliqueront que trop aisément les graves mécomptes qui la suivirent. Il y a la des faits peu connus à indiquer, et dont l’histoire, même après la paix récemment conclue, n’a rien perdu de son intérêt.


I

Lors de l’évacuation des principautés, en 1851, les officiers russes avaient annoncé aux populations danubiennes qu’ils ne tarderaient pas à revenir. L’état des principautés après leur départ fit bientôt comprendre la portée de cette parole. Dès le mois d’août 1851, du côté de l’Autriche comme du côté de la Russie, des réclamations impérieuses venaient assaillir la Porte. L’internonciature autrichienne à Constantinople protestait vivement contre la libération des internés magyars, que le divan avait résolue. En même temps la presse autrichienne, complètement placée sous le contrôle du gouvernement impérial, attaquait la Turquie dans toutes les langues de l’empire avec une singulière vivacité. Un peu plus tard, en octobre de la même année, le prince de Valachie (Stirbey) et le prince de Moldavie (Ghika) recevaient une communication du consul-général de Russie, par laquelle cet agent leur demandait, au nom de l’empereur son maître, de payer une somme de plusieurs millions de francs, comme indemnité pour l’entretien des troupes russes en Moldavie et en Valachie sur le pied de guerre, depuis le jour de leur entrée dans les principautés en 1848 jusqu’au mois d’avril 1850. Il ajoutait que les frais d’occupation, à partir de cette époque jusqu’au moment de l’évacuation totale, feraient l’objet d’un compte séparé.

L’origine de cette réclamation était le consentement donné une première fois par les gouvernemens des principautés à une mesure financière qu’ils avaient pu croire transitoire. Le général Duhamel avait déclaré en 1848 au prince Michel Stourdza, à Jassy, et plus tard au caïmakan Constantin Cantacuzène, à Bucharest, que la volonté de l’empereur Nicolas était que l’on affectât à l’entretien de ses troupes deux dixièmes additionnels de l’impôt, payés une fois pour toutes. La mesure avait été soumise en Moldavie à l’assemblée générale, qui l’avait votée ; en Valachie, où l’assemblée était dissoute, elle avait été exécutée purement et simplement. Tout cela s’était fait sans que la Porte reçût aucun avis, soit des gouvernemens de Jassy et de Bucharest, soit du commissaire russe. La Porte aurait eu le