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droit de se montrer offensée, et son commissaire dans les principautés, Fuad-Effendi, s’était même adressé à sa cour pour lui demander des instructions ; mais le divan résolut d’user de patience et engagea Fuad-Effendi à ne faire aucune opposition, ajoutant que si les boyards jugeaient à propos de faire supporter cette charge au pays, la Porte n’avait rien à dire. En 1849, une seconde demande analogue à la première avait été présentée par le général Duhamel. Accueillie sans objection par le prince de Valachie, elle trouvait le prince de Moldavie (Grégoire Ghika, qui avait succédé à Michel Stourdza) moins facile. — La première communication du général Duhamel portait, dit l’hospodar, que le paiement des deux dixièmes suffirait une fois pour toutes. — Sur une nouvelle injonction de la Russie, le prince tourna la difficulté ; il prit à sa charge les bons et les quittances donnés par les officiers russes, en demandant à Constantinople l’autorisation, qui lui fut accordée, de porter au chiffre de la dette nationale la somme nécessaire pour l’acquittement des obligations ainsi contractées. On aimait à espérer que là se borneraient les exigences de la cour protectrice. Il n’en fut rien cependant, et vers la fin de 1850, lors de son passage à Jassy, le consul-général de Russie fit connaître au prince de Moldavie qu’il aurait bientôt un nouveau compte à lui présenter pour le paiement des troupes russes sur le pied de guerre.

Tels étaient les faits qui avaient précédé la dernière communication de la Russie, celle d’octobre 1851, par laquelle le consul-général de cet empire, à la suite des réunions des deux souverains de Russie et d’Autriche à Varsovie et à Olmütz, déclarait aux hospodars, avec une certaine solennité, que le moment était enfin venu pour les gouvernemens des deux principautés de remplir leurs obligations envers l’armée de sa majesté impériale.

La communication confidentielle d’un ukase concernant les quarantaines de la Mer-Noire coïncida avec la déclaration relative au paiement des troupes russes : le désir de la cour protectrice était que les prescriptions appliquées à ces quarantaines fussent étendues aux quarantaines moldo-valaques. La conduite du prince Stirbey, qui fit de l’ukase impérial l’objet d’une communication officielle à son divan, causa cette fois un sérieux mécontentement à la Porte ; celle du prince Ghika, qui, sans mentionner l’ukase, se borna à en faire transcrire et discuter les prescriptions, la satisfit au contraire pleinement. Les plaintes qu’éleva le consul-général de Russie à ce sujet provoquèrent une réponse concluante et modérée du prince Ghika, affirmant qu’il s’était borné à respecter les apparences du pouvoir de la Porte-Ottomane, tandis que la Russie disputait à la Turquie les apparences mêmes du pouvoir.