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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/85

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général Foy; mais si l’on étudie les détails, on ne peut mettre ces deux ouvrages sur la même ligne. Les bas-reliefs qui nous retracent la vie du général Gobert sont plutôt des esquisses hardiment conçues que des figures modelées d’une manière définitive, tandis que les trois compositions qui décorent le tombeau du général Foy sont traitées avec un soin religieux, et nous offrent des formes précises. Il est évident que dans les dernières années de sa vie David se préoccupait de plus en plus de l’effet poétique, et négligeait l’harmonie des lignes et la précision de la forme pour l’énergie de l’expression. Dans l’accomplissement de la tâche qu’il s’était proposée, il a fait preuve d’une rare puissance. Cependant je ne pense pas qu’on doive recommander comme un sujet d’étude le tombeau du général Gobert : dès qu’on demande au marbre ou au bronze l’expression de sa pensée, les intentions les plus hardies ne suffisent pas; il faut qu’elles soient fécondées par la réflexion, expliquées, c’est-à-dire développées par le travail de l’ébauchoir. Ces conditions se trouvent réalisées dans le tombeau du général Foy et méconnues dans le tombeau du général Gobert. Ce n’est pas, à Dieu ne plaise, que j’accuse le talent de David d’avoir fléchi dans ce dernier ouvrage : l’habileté de sa main n’avait rien perdu; mais, dans son désir de populariser la sculpture, il s’éloignait chaque jour davantage de l’idéal et de l’harmonie linéaire dont son art ne saurait se passer.

Si je ne consultais que le succès, je lui donnerais raison. Le tombeau du général Gobert a réuni en effet de très nombreux suffrages. Groupe et bas-reliefs sont admirés et souvent même loués comme le dernier mot de la sculpture. Pour moi, je crois rendre pleine justice à David en disant qu’il s’est trompé comme se trompent les hommes doués de puissantes facultés. Lors même qu’il faisait fausse route, il gardait l’attrait de son talent. Si les bas-reliefs qui ont séduit tant de spectateurs n’étaient que des projets, je les trouverais excellens, car ils indiquent fidèlement les épisodes que l’auteur a voulu retracer; mais je ne puis oublier qu’ils sont dès à présent ce qu’ils seront toujours, et cette pensée suffit pour conseiller la sévérité. David, malgré son ardent amour pour le travail, obéissait à son insu à ce puéril préjugé qui condamne la précision de la forme comme contraire à l’énergie, à la vérité de l’expression. A l’âge de trente-six ans, il n’avait pas encore fléchi devant cette idée vulgaire; vingt ans plus tard, entraîné par son désir de popularité, voulant multiplier ses œuvres pour répandre son nom chez toutes les nations de l’Europe, il ébauchait hardiment, et trop souvent n’achevait pas ce qu’il avait ébauché. Ce n’était pas défaillance, encore moins paresse, tous ceux qui l’ont connu se rappellent avec admiration