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succès la représentation de tous les mouvemens, et en particulier ceux des corps célestes.

Si nous partons de la donnée que nous pouvons additionner autant de petites quantités que nous jugeons à propos de le faire, rien ne nous empêche de considérer les petites additions de vitesse d’un corps en mouvement comme des différentielles dont nous atteindrons ensuite l’ensemble par les procédés de calcul des intégrales. Les petites déviations successives qu’éprouve dans sa marche une planète soumise aux actions les plus compliquées ne seront que des différentielles infiniment petites dans sa marche primitive, et leur ensemble nous sera donné par les procédés d’intégration du calcul des infiniment petits, que nous supposons connus.

Prenons pour exemple la lune, cet astre dont la marche est si compliquée et dont nous pouvons reconnaître tous les écarts à cause de sa grande proximité : elle tourne autour de la terre, et, au premier abord, on peut dire qu’elle décrit un cercle à peu près parfait ; mais il y a de petites perturbations qui la rapprochent et l’éloignent alternativement de nous et qui la font aller un peu plus vite ou un peu plus lentement. D’abord le soleil, par son attraction différente de celle qu’il exerce sur la terre, fausse la régularité de l’orbe de la lune. Cette action est exprimée par un cosinus, mais elle ne se produit pas tout à coup ; elle agit d’une manière continue et en prenant l’effet produit pendant un temps très court, qui sera un temps infiniment petit, ou, si l’on veut, une différentielle de temps, on aura un petit effet, c’est-à-dire une différentielle d’effet. Toutes ces différentielles accumulées tomberont sous la puissance de l’analyse infinitésimale, et ce sera au génie du mathématicien d’inventer des procédés qui puissent permettre de passer de ces petites actions à leur effet total. C’est en cela que notre compatriote Laplace a excellé. Son livre, intitulé Mécanique céleste, c’est-à-dire science du mouvement des astres, est un monument national dont la France s’enorgueillit à juste titre. Une partie des mêmes questions, notamment la théorie complète des mouvemens du soleil et des planètes, a valu à M. Leverrier une supériorité non contestée dans la détermination des nombreuses perturbations que l’action mutuelle des planètes et du soleil fait naître dans notre système. Ce sont les déductions des théories du calcul infinitésimal qui, sur les traces de Newton et de Laplace, vont nous révéler bien des vérités sur le passé, le présent et l’avenir de notre monde terrestre ou céleste.

J’ai dit que Newton était l’un des inventeurs, et non pas le seul inventeur du calcul infinitésimal. C’est une vérité admise aujourd’hui par tout le monde ; mais il ne partage avec personne la gloire d’avoir le premier reconnu la cause des grands effets mécaniques