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tenait à celle de l’établissement protestant. Il était d’ailleurs grand comédien, et prenait plaisir à cacher sous des démonstrations emphatiques son insouciance ou sa faiblesse. Il eut l’air de chercher à former un autre cabinet. N’y réussissant pas, il fit venir lord Eldon : « Que puis-je faire ? sur quoi puis-je me replier ? Ma situation est misérable. Si je dorme mon consentement, j’irai aux eaux et de là à Hanovre ; je ne rentrerai plus en Angleterre. La nation verra que je ne voulais pas de ce bill. » Au fond, c’était uniquement à cela qu’il tenait. Quand ses ministres insistaient péremptoirement, il s’emportait ou pleurait, pour bien constater qu’ils lui forçaient la main. Aussi peu émus de ses larmes que de ses colères et se fiant peu à ses paroles, ils lui demandèrent, pour la présentation du bill, son autorisation écrite. Il la leur donna enfin, et, le 5 mars 1829, M. Peel proposa solennellement, dans la chambre des communes, l’abolition des incapacités politiques et civiles qui pesaient sur les catholiques.

« Je sais, disait-il, que je parle devant une chambre dont la majorité est disposée à voter en faveur de cette mesure par des motifs plus élevés que ceux sur lesquels je veux me fonder… Je m’abstiendrai de toute discussion sur les droits naturels ou sociaux de l’homme. Je n’entrerai dans aucune recherche sur les théories de gouvernement. Je me renfermerai dans l’examen pratique de l’état actuel des affaires, préoccupé, non de ce qui peut se dire, mais de ce qu’il y a à faire dans une si pressante difficulté. Pendant bien des années, je me suis efforcé de maintenir l’exclusion qui éloignait les catholiques romains du parlement et des grandes charges de l’état. Je ne pense pas que ce fût un effort inique ni déraisonnable. J’y renonce, convaincu qu’on n’y peut plus persister utilement. À mon avis, les moyens efficaces manquent aujourd’hui pour une telle lutte. Je cède à une nécessité morale que je ne puis surmonter. Cette nécessité existe-t-elle ? Y a-t-il, pour l’établissement même que je veux défendre, plus, de péril dans une résistance obstinée que dans une concession accompagnée de certaines précautions ? C’est la tout ce que je me propose de démontrer. »

Telles furent en effet, pour M. Peel, les limites du débat. Il n’en sortit que pour sa défense personnelle. On lui adressait deux cruels reproches, la versatilité et la peur. Il les repoussa avec un bon sens franc et fier : « Je ne saurais, dit-il, acheter l’appui de mes honorables amis en promettant de persister en tout temps et à tout risque, comme ministre de la couronne, dans les opinions et les argumens que j’ai pu soutenir devant cette chambre. Je me réserve positivement le droit de régler ma conduite selon l’exigence du moment et l’intérêt du pays… C’est ce qu’ont fait tous les hommes