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radicalisme portugais, si exigeant et si bruyant devant l’implacable fermeté de dona Maria, a-t-il mis bas les armes juste au moment où on ne lui faisait plus face ? C’est que, pour agir, la condition première est d’exister. Or, à commencer par le miguélisme, il a bien un journal, un prétendant, des alliés extérieurs, voire une dette publique ; mais il lui manque une raison d’être, car il n’en a jamais eu dans les principes, et il a cessé d’en avoir dans les intérêts.

De quels principes en effet aurait-il pu logiquement se réclamer ? — Est-ce d’abord du droit traditionnel de la monarchie ? On l’a dit sous prétexte de la scission survenue, du vivant même de Jean VI, entre le Portugal et le Brésil, et en se fondant sur ce vœu des cortès de 1642, que si le roi venait à posséder deux couronnes, il laissât la plus considérable à son fils aîné, et la moindre au cadet ; mais on commence par oublier ici que la scission du Brésil était dans l’origine un simple fait insurrectionnel, entièrement distinct du cas régulier prévu par les cortès de 1642, et dont de soi-disant légitimistes auraient particulièrement mauvaise grâce à s’emparer. En thèse absolutiste comme en thèse constitutionnelle, le consentement exprès et formel du souverain lésé, de Jean VI, aurait pu seul donner à cette séparation la portée légale que le miguélisme lui assigne. Or, quand le vieux roi, sous la pression des circonstances, se fut décidé à reconnaître le prince royal dom Pedro comme empereur du Brésil, il mit une insistance significative à écarter d’avance l’interprétation dont il s’agit[1] en spécifiant à deux reprises, dans l’édit perpétuel rendu le jour de la ratification de ce traité et destiné à lui donner force de loi, que le nouvel empereur du Brésil était toujours l’héritier du Portugal. Par le fait même de la reconnaissance de deux royautés, Jean VI n’en perdait-il pas d’ailleurs une, ce qui suffirait pour le mettre personnellement en dehors de l’hypothèse d’un cumul de couronnes, pour rapporter à dom Pedro seul la première réalisation de cette éventualité, et limiter dès lors aux enfans de celui-ci (c’est-à-dire à l’empereur actuel du Brésil et à la feue reine dona Maria) le bénéfice du partage demandé en pareil cas par les cortès de 1642 ?

Ce qui précède réfute surabondamment une autre thèse miguéliste d’après laquelle dom Pedro, en montant sur le trône du Brésil, serait devenu étranger, et comme tel inhabile, aux termes d’une disposition des cortès de Lamego (1143) et d’un deuxième vœu exprimé par les cortès de 1642, à régner en Portugal. Quant à la non-résidence dans le pays, si tant est, comme dom Miguel l’a prétendu,

  1. Dès cette époque, la précaution n’était pas gratuite. L’étrange favori de certains légitimistes français n’avait pas même attendu la mort de Jean VI pour essayer de s’emparer de l’héritage de dom Pedro.