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vie. Le parti septembriste, à qui sa situation pouvait tourner la tête, n’y a puisé que le sentiment d’une grave responsabilité ; il s’est montré jusqu’au bout libéral, conciliant, gouvernemental, comme s’il avait pris à tâche de donner à entendre que le parti conservateur ou chartiste faisait pour le moment double emploi. Celui-ci à son tour, après s’être assuré qu’il n’avait à défendre ni la royauté ni lui-même, a eu le désintéressement ou l’habileté de ne rien tenter pour rentrer de force dans une sphère où il n’aurait pu cette fois apporter que des périls. Le roi-régent, de son côté, n’était assurément pas homme à troubler sans nécessité cette subite harmonie ; pour rester au diapason général, il lui suffisait d’obéir à la fois à ses habitudes d’effacement constitutionnel et aux instincts pacifiques et bienveillans de sa nature. Bref, quand le jeune roi, qui, sur ces entrefaites, accomplissait tranquillement son tour d’Europe en fils de famille qui sait son héritage bien gardé, est rentré céans, il a tout retrouvé en place, hommes et choses, ce qui fait, on l’avouera, l’éloge et de la maison et des maîtres et des gardiens.

Naguère, à propos du paisible changement de règne qui venait de s’opérer en Russie, quelques gens s’extasiaient sur le jeu facile et sûr du mécanisme despotique, sans se souvenir, par parenthèse, que pour les prédécesseurs d’Alexandre II l’engrenage héréditaire avait été forcé et gauchi plus d’une fois. Voici du moins qui prouve que le gouvernement parlementaire offre, lui aussi, certaines garanties de sécurité et de stabilité. L’exemple du Portugal est d’autant plus décisif qu’aucune nation au monde n’est dotée d’institutions plus libérales. Et (remarque essentielle) la liberté aura été ici, non pas l’inconvénient et le côté fâcheux, mais bien l’essence même de cette puissante vitalité monarchique. C’est à l’antagonisme illimité et à la neutralisation réciproque des partis que ce pays a dû de traverser sans crainte et sans encombre les innombrables dangers qui s’étaient comme embusqués au seuil du nouveau règne. La Providence aime décidément les surprises. L’Espagne en 1848, le Portugal en 1855, c’est-à-dire les deux royaumes de cette péninsule que se plaisent tant à citer les détracteurs, soit radicaux, soit absolutistes, du régime constitutionnel, auront eu le singulier honneur de venger doublement ce régime dans l’histoire, et de le montrer réalisant tour à tour, — au fort même du succès de chacune des deux doctrines contraires, — en 1848 la liberté par l’ordre, en 1855 l’ordre par la liberté.


I

Comment le miguélisme a-t-il silencieusement accepté la prescription dont le frappait l’avènement de dom Pedro V ? Pourquoi le