Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

première base d’évaluation. La diffusion de l’aisance dans les masses ayant en effet pour triple conséquence de ralentir l’émigration, de diminuer les chances de mortalité et de rendre le mariage accessible à un plus grand nombre d’individus, on peut, sauf de très rares exceptions, poser comme axiome que tout progrès numérique de la population présuppose une amélioration matérielle du sort des masses.

Cherchons d’abord, entre les recensemens assez irréguliers du passé, deux périodes de durée égale et appartenant, l’une à l’ancien l’autre au nouveau régime. Les seules qui remplissent cette condition d’égalité, sont, pour l’ancien régime, la période de 1798 à 1820, et pour le nouveau celle de 1828 à 1850, dont quatre années appartiennent même au système féodal, ce qui atténuera le contraste que nous voulons faire ressortir. La première comprend la guerre avec la France, mais la seconde comprend l’usurpation de dom Miguel, et, si ces deux circonstances ne s’équilibrent pas, la différence ne peut être encore qu’à notre détriment. La guerre civile a dû en effet bien autrement nuire à la propagation de l’espèce qu’une invasion qui jetait simultanément dans le pays deux armées étrangères, et les emprisonnemens, les innombrables expatriations, aggravées de séquestrations de biens, qui signalèrent le règne de l’infant, constituent pour la population une perte sèche, ce qu’on ne peut dire du déplacement régulier des fonctionnaires et des grands qui suivirent Jean VI au Brésil, d’où ils commencèrent à revenir dès 1812, les uns avec une famille accrue, les autres avec la famille qu’ils s’étaient donnée durant l’émigration. Ceci posé, voyons les chiffres :


âmes
Recensement[1] de 1820 3,013,000
Recensement de 1798 2,971,770
Différence au profit de 1820 41,230

Accroissement proportionnel en 22 ans, environ 1,40 pour 100, ce qui n’était guère que le dixième de la progression normale des autres populations européennes.


âmes
Recensement de 1850 3,471,199
Recensement de 1828 3,038,865
Différence au profit de 1850 432,334

Accroissement proportionnel en 22 ans, 14,22 pour 100, d’où il suit que la nouvelle législation aurait eu pour effet immédiat d’accélérer le mouvement indicateur de la prospérité matérielle dans

  1. Ces chiffres ne se rapportent qu’à la population de la portion continentale du royaume.