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grand nom de Palestrina. Directeur de l’école de musique qui a été fondée, il y a quelques années, pour relever le goût de l’art religieux si étrangement perverti par l’ignorance du clergé et des artistes qu’il emploie, M. Niedermeyer porterait à l’Institut son tribut de lumières, et balancerait un peu l’influence. Excessive de l’art contemporain, où domine exclusivement la forme dramatique.

La mort, qui cette année semble sévir plus particulièrement sur les hommes distingués, vient d’enlever aussi à Florence un jeune pianiste italien, Adolfo Fumagalli, qui donnait les plus grandes espérances. Nous l’avions connu à Paris, où il était venu se fixer il y a quelques années, et nous avons eu occasion d’apprécier ici même son talent énergique et plein de brio. Né à Milan 1828, M. Fumagalli avait à peine vingt-sept ans, et si le temps n’eût manqué à son ambition, il était destiné à s’élever au premier rang des virtuoses.

Si la musique semble visiblement péricliter dans les mains de ceux qui se sont donné la mission d’en faire l’occupation unique de leur vie, on trouve parfois dans le monde certaines organisations d’élite qui vous consolent un peu de tant de mécomptes. Nous assistions il y a quelques jours à l’audition d’un opéra de dilettante dans un salon du faubourg Saint-Germain, où la présence de Rossini excitait la curiosité de tous. L’ouvrage, exécuté au piano par des amateurs et des artistes inconnus, parmi lesquels nous avons remarqué un élève du Conservatoire qui possède une très jolie voix de ténor, la fille de Banderali, qui annonce devoir faire honneur au nom qu’elle porte, et un M. Marcolini qui chante le baryton avec talent, révèle des études sérieuses et, une vocation musicale des plus distinguées. Deux quatuors, un trio, un duo et une charmante romance, intitulée Bouton de Rose, nous ont paru des morceaux bien écrits, pleins d’esprit scénique et de mélodies faciles. L’illustre maestro, que tout le monde consultait du regard, accordait son approbation à plus d’un passage agréable de cette partition inédite, que l’auteur accompagnait lui-même au piano avec habileté, lorsque le créateur de Guillaume Tell vit un des auditeurs s’approcher respectueusement de lui : « Depuis que vous avez cessé d’écrire, monsieur Rossini, lui dit cet adorateur fervent, j’ai presque cessé de vivre. Je ne puis me faire à la musique qu’on nous donne ; mais dans votre œuvre admirable la partition que je préfère et que je mets au-dessus de toutes les autres, c’est votre Lucie ! » À ce mot, tout le monde se sauva, et Rossini resta silencieux et immobile, impavidus comme le juste d’Horace.

P. SCUDO.


REVUE LITTÉRAIRE

Tandis que les travaux purement littéraires, la poésie, le roman, le théâtre, languissent ou s’effacent à Berlin, il y a une branche de la littérature qui y est encore cultivée avec éclat : c’est l’histoire et la critique de l’art. Il suffit de citer les savantes publications de M. Franz Kugler, les études si consciencieuses de M. Waagen sur les artistes de l’Angleterre et de la France, l’Histoire de l’Architecture de M. Wilhelm Lübke, les Kunstlerbriefe de M. Guhl, les travaux et les leçons de M. Kiss, pour faire apprécier le haut