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L’histoire de la pêche de la baleine serait incomplète, si nous omettions de signaler les efforts tentés à plusieurs reprises par les Hollandais pour s’établir dans ces régions âpres et silencieuses, auxquelles la nature semble avoir refusé les conditions de la vie humaine. Dès les premiers temps, les baleiniers de la Néerlande comprirent les avantages considérables qui résulteraient pour eux d’une occupation fixe et permanente de ces latitudes, visitées chaque année à grands frais par leurs vaisseaux. Les aventuriers qui se livraient à la pêche de la baleine, trouvant un intérêt majeur à établir des colonies fixes dans ces contrées inhospitalières, ne négligèrent aucun moyen pour provoquer des essais à cet égard ; mais telle était la terreur qu’inspirait cette entreprise aux hommes les plus courageux, que les offres les plus séduisantes ne furent point écoutées. Une compagnie russe, après avoir obtenu un sursis pour quelques condamnés à mort, leur promit non-seulement le pardon, mais encore une récompense en argent, à la condition qu’ils passeraient un seul hiver au Spitzberg. La crainte du supplice qui les attendait leur arracha un consentement ; mais lorsqu’ils furent transportés sur le théâtre de l’expérience et qu’ils aperçurent ces contrées froides, affreuses, désolées, ils reculèrent avec horreur devant leur nouveau séjour, et demandèrent à retourner dans leur patrie pour y subir leur peine plutôt que d’affronter en des régions pareilles une mort sans cesse renaissante. Un capitaine anglais, qui était chargé de les conduire au Spitzberg, compatit à leur désespoir ; il les ramena en Angleterre, et à son retour il intercéda pour eux auprès de la compagnie, qui obtint la grâce de ces hommes.

Le projet semblait abandonné. Tout à coup ce que les marchands hollandais n’avaient pu obtenir de leurs concitoyens au prix de l’or, ni les Russes au prix de la vie, le hasard, un hasard affreux, le procura. Un patron de navire anglais avait perdu seize hommes de son bord. Huit, séparés par accident du navire, avaient été laissés au Spitzberg ; les huit autres étaient occupés, sur un autre point du même groupe d’îles, à la poursuite du renne pour la provision de l’équipage, lorsque le navire, chassé par les glaces, fut contraint de les abandonner à leur misérable sort. Les huit premiers périrent dans le cours de l’hiver, et l’on retrouva, l’été suivant, leurs cadavres hideusement rongés par les animaux de proie. Les huit autres, en regagnant le lieu du rendez-vous, reconnurent avec horreur que leur vaisseau était parti. À l’aide des ressources que leur fournissait la chasse, avec les débris de lard de baleine qui étaient restés