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avec une des plus riches cargaisons d’huile qui revînt jamais des mers arctiques. La pêche de la baleine a donc subi en Angleterre, dans ces derniers temps, des fortunes diverses ; mais si les statistiques avouent un mouvement de décroissance, elles ne contiennent pourtant rien de tout à fait décourageant.

D’ailleurs, — et c’est ici le côté important de la question, — l’Angleterre même, en abandonnant les mers arctiques, n’abandonnerait point pour cela la baleine : elle ne ferait que déplacer le terrain de la chasse. Il n’en est point de même de la Hollande, qui est restée étrangère à la pêche de la baleine dans les mers du Sud. Les Anglais chassent sur ces nouvelles eaux trois espèces de grands animaux marins : la baleine spermaceti, la baleine noire ou commune, et le morse. La baleine spermaceti habite les régions tropicales, les côtes de la Nouvelle-Zélande et les mers voisines. La durée ordinaire du voyage pour un navire de pêche qui part d’un des ports de l’Angleterre à la recherche de ces grands et productifs animaux est de trois années. La baleine commune des mers du Sud se rencontre dans plusieurs parages, mais principalement sur les côtes du Brésil et dans les baies de l’Afrique. Les morses des mers du Sud ou éléphans marins sont des animaux intermédiaires qui forment l’anneau de transition entre le morse des mers arctiques et le phoque. On les trouve surtout dans les mers qui entourent les îles de la Désolation, dans les Shetlands du sud et près des côtes de la Californie. Chaque année, les pêcheurs anglais en prennent un nombre considérable, des bâtimens entiers reviennent chargés de ce butin, et le morse fournit, dit-on, plus d’huile que la baleine commune du Sud. Les navires se livrent ainsi indifféremment à l’une ou à l’autre pêche, suivant que les circonstances le permettent. Le terme du voyage entrepris à la recherche de la baleine commune ou du morse est de douze à dix-huit mois. La Grande-Bretagne a tiré et tire encore de cette industrie maritime des avantages immenses. En 1842, cinquante-neuf navires mirent à la voile ; le produit de la campagne s’éleva à 364,680 livres sterling. Le succès de cette nouvelle pêche a réagi puissamment contre l’ancienne pêche de la baleine dans les mers polaires : celle-ci en a souffert, mais elle n’est pas anéantie.

La France, comme la Hollande, ne figure plus au même rang qu’autrefois dans les solitudes arctiques. En 1839, trente et un bâtimens français, montés par mille pêcheurs, firent voile encore pour le Groenland ; mais en 1841 quatre navires seulement se rendirent dans les mers de glace. Le gouvernement crut pourtant devoir témoigner sa sollicitude envers cette pêche fameuse, en la favorisant de primes dont le total s’éleva dans certaines années à une somme considérable.