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Est-il vrai maintenant que le pavillon néerlandais se soit effacé pour jamais dans les mers du Nord, où, à la fin du dernier siècle, il s’élevait encore si triomphant ? Nous ne le croyons pas, nous ne voulons pas le croire. La pêche de la baleine est peut-être la seule qui soit fondée à réclamer la protection du gouvernement à cause des risques infinis qui l’accompagnent, et qui souvent la rendent improductive ou même ruineuse. Cette protection n’a pourtant pas réussi à la relever. On peut tirer d’une telle impuissance un nouvel argument en faveur de la liberté de la pêche. Ce qu’il faudrait, ce serait moins invoquer la main de l’état que réveiller l’ardeur entreprenante de la nation. La Hollande a eu de beaux jours dans l’histoire ; mais l’abus du succès a peut-être affaibli le succès même. À mesure qu’elle s’est enrichie, les capitaux sont devenus plus timides et les hommes moins confians dans les hasards de la mer. L’économiste ne saurait envisager sans tristesse la perte d’une telle ressource nationale. La pêche de la baleine, en dehors des profits qui y étaient attachés, communiquait une grande impulsion à tout le commerce intérieur. Avec cette branche d’industrie a disparu un élément notable de la prospérité publique. Pour la relever, il suffirait de circonstances qui viendraient réchauffer le zèle d’une population demeurée toujours laborieuse et forte. Il est permis de croire que la liberté du commerce et de la pêche, en ranimant l’esprit d’entreprise, aura cette heureuse conséquence. En attendant le devoir de ceux qui aiment la Hollande est de provoquer, par le contraste des faits, le réveil d’une nation qui n’a besoin que de redevenir elle-même pour reprendre un rang honorable dans les mers arctiques, et pour ressaisir les avantages qu’elle a perdus. Si même les mers de glace doivent être abandonnées, rien n’empêcherait les Hollandais de chercher, comme les Anglais, sur les mers du Sud[1] une compensation à la pêche du Nord, et le moyen de reconquérir une célébrité qui ne doit point tomber à l’état de souvenir historique.


ALPHONSE ESQUIROS.

  1. Les Américains, qui ont hérité de l’activité surprenante des Bataves et des Anglo-Saxons, ont plus de sept cents vaisseaux baleiniers dans ces mers ; les Hollandais n’en ont pas un seul aujourd’hui.