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boutonné à partir du genou. Il est de peau ou de velours bleu, bordé de larges bandes de velours noir. Les Mexicains portent toujours une écharpe de soie bleue ou rouge. Les Mexicaines sont peu vêtues : une chemise fort décolletée et un jupon, voilà tout. Quand elles vont à l’église, elles mettent une robe de mousseline claire, et se couvrent la tête d’une écharpe nouée à la taille.

À deux ou trois milles de San-Antonio et sur le petit fleuve du même nom se trouvent les deux anciennes missions de San-José et de la Concepcion, qui sont en ruines. L’une est au milieu d’un chaparal (grand bosquet), l’autre cachée dans un petit bois qui la couvre de ses arbres gigantesques. San-José montre encore une épaisse muraille entourant un ou deux hectares où s’élève une église de moyenne grandeur, aux belles proportions, aux riches sculptures, au clocher élégant. Les fusils des Texiens, pendant la guerre de l’indépendance, ont écorché quelques arabesques et cassé quelques saints dans leurs niches. Le temps ébranle peu à peu l’édifice ; mais le ciment est si fort que bien des siècles, si la main des hommes ne les aide, s’écouleront encore sans le renverser. Ce ciment, dit la tradition, a été fait avec du lait de vache et de brebis ; voilà pour quoi il est si solide. Autrefois les Espagnols mettaient dans ce refuge des prisonniers indiens, que les franciscains instruisaient dans la religion, l’agriculture et quelques métiers. Les maisonnettes de ces barbares élèves étaient adossées à la muraille. Aujourd’hui leurs descendans se sont transportés à San-Antonio ou sur d’autres points de la rivière ; il ne reste plus que quelques pauvres familles indo-mexicaines cultivant un peu de maïs, vivant dans une affreuse malpropreté et se couchant le soir près de leurs cabanes en ruines, l’inséparable cigarette à la main. L’église n’est plus visitée que par des nuées de chauve-souris ; les larges brèches des murs d’enceinte laissent pénétrer les bêtes fauves, les Indiens, et même les énormes charrettes aux roues massives tirées lentement par des bœufs. La Concepcion est de l’autre côté du San-Antonio, l’église est nue et petite ; mais la fraîcheur des ombrages et de l’eau devait en faire un séjour agréable.

Les prêtres qui desservaient San-Antonio étaient Espagnols ; ils habitaient une vilaine maison de pierre sur la place. On me fourra dans une moitié de grenier. Le mobilier se composait d’un mauvais lit de sangle, sans matelas ni paillasse, d’une table disloquée, de deux chaises, dont l’une était sans fond, et l’autre privée d’une jambe, et d’un cercueil destiné à transporter les pauvres jusqu’au cimetière, d’où le cercueil revenait sans le mort pour recommencer indéfiniment le même service. Une petite fenêtre donnait sur la route du Mexique ; une lucarne était percée dans le toit ; le toit laissait