Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/808

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

insignifiantes, et beaucoup d’insectes ne vivent que très peu de temps à l’état d’animaux reproducteurs. Ainsi un simple plan pour tenter une expérience dont nous ne prévoyons pas l’issue, voilà tout ce que nous pouvons donner au lecteur sur cette question de la permanence ou de la variation des espèces animales, tant controversée depuis le commencement de ce siècle.

Cette étude n’aura pourtant pas été sans utilité : elle nous montre comment la voie rigoureuse de l’expérience peut à l’improviste nous ouvrir des perspectives nouvelles. En essayant les divers moyens d’agir sur les plantes, M. Ville se trouve conduit à la possibilité de reconnaître quelle était primitivement la composition de l’atmosphère terrestre, résultat qui, obtenu par des expériences bien coordonnées, serait l’une des plus belles conquêtes de la science moderne, et c’est, à mon avis, une de celles qu’un avenir prochain doit réaliser.

À tout prendre, il est vraiment fâcheux que la science réponde à l’imagination par une négation presque absolue. Il eût été si beau de se figurer la création se modifiant à volonté sous l’empire du génie de l’homme ! Il y a loin de nos tristes positivités scientifiques aux jeux brillans de l’imagination, qui nous montrait pour les âges futurs de notre monde terrestre la naissance d’un être plus parfait que l’homme, et qui serait à celui-ci ce que l’homme est aux animaux. On avait parlé d’un être qui aurait d’autres sens que nous, et par exemple qui pourrait voir dans les corps au moyen de l’électricité. Cette idée se rattachait un peu aux curieux phénomènes du somnambulisme et du magnétisme animal ; mais l’homme, malgré sa supériorité sur la brute, n’a point de sens que l’animal ne possède. Ainsi l’analogie nous fait défaut dans cette conjecture. On avait présumé que cet être supérieur pourrait agir sur la matière et commander aux êtres matériels de se mouvoir sans les toucher. À cela on répond que l’homme, pas plus que le chien, ne peut déplacer un corps pesant sans agir mécaniquement sur lui. On a parlé de prescience de l’avenir, de science infuse, de communication directe avec la Divinité ; que sais-je ? on a même entrevu une petite délégation de la puissance créatrice !… Je ne conclus pas. Je laisse le champ libre à l’imagination des métaphysiciens.


BABINET, de l’Institut.