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appelé M. Meyboom dans la chaire évangélique, fut considéré en Hollande comme un acte de quelque gravité. L’ancienne église nationale s’écroulait avec ses dogmes fondamentaux devant le principe d’élection et devant le respect que le chef de l’état lui-même venait témoigner pour la liberté des croyances. La parole et la conscience, ces deux sœurs immortelles, soumises, il est vrai, à une sanction, sortaient ainsi victorieuses de la lutte.

On le voit, les habitans de la Néerlande, parfaitement tranquilles et assez d’accord entre eux quant au fond des questions politiques, sont profondément divisés sur le terrain des opinions religieuses. Les partisans de la concorde semblent compter sur l’invariable attachement du caractère national aux coutumes et aux traditions anciennes comme sur un frein moral qui doit modérer ce que ces discussions ont d’alarmant pour la paix. Il se peut que cette fidélité soit en effet un contre-poids ; mais elle présente aussi un danger, celui de protéger l’introduction des nouveautés philosophiques sous le couvert des vieilles institutions. Grâce à cette immobilité des formes et au mouvement des idées, la Hollande calviniste pourrait un jour avoir changé de religion, sans même s’en être aperçue. Il est un point grave et délicat sur lequel les orthodoxes cherchent à serrer de près leurs adversaires, c’est celui de la divinité de Jésus-Christ. La pensée des hétérodoxes se dérobe ici volontiers derrière un nuage. Jésus-Christ est pour eux le type le plus parfait de l’humanité, l’envoyé du Très-Haut, l’image de Dieu ; mais est-il Dieu en personne ? Généralement ils éludent cette question embarrassante par des subtilités plus ou moins scolastiques. Quelques-uns d’entre eux croient à la divinité, mais non à la déité du fils de Marie. Nous ne nous engagerons point dans ces discussions. Une réponse si obscure et peut-être obscure à dessein équivaut presque à une négation. On est donc autorisé à voir dans la doctrine des hétérodoxes néerlandais un déisme sentimental, plus ou moins attaché à la poésie des formes chrétiennes. Ils se parent de la morale évangélique, ils témoignent pour quelques hommes de la réformation un respect historique, mais entre leurs idées et celles de Calvin par exemple, il y a la distance de plusieurs siècles. Cette position équivoque et avancée est vivement attaquée par les orthodoxes. « Si vous ne croyez plus ce qu’ont cru nos pères, objecte-t-on aux nouveaux théologiens, comment vous dites-vous encore de leur église ? Quittez votre robe, abandonnez cette chaire, redescendez dans la foule des philosophes. » Les ministres dissidens répondent qu’ils ne se sont point glissés subrepticement dans la chaire chrétienne, que leurs doctrines, publiées par eux dans de nombreux ouvrages, étaient connues, que c’est aux fidèles de juger eux-mêmes la formule des croyances religieuses qui leur conviennent ; ils ne s’imposent