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perfection n’appartient qu’aux spécialistes. Je regrette que ce mot soit un néologisme, mais il exprime si bien une pensée vraie, qu’il ne périra pas. Buffon a dit que le génie n’était que la patience. Cela est vrai en ce sens qu’on n’a la patience pour un travail parfait que quand on a le génie qui donne cette perfection.

L’antiquité la plus reculée a connu les bains d’eaux minérales, et même les bains médicinaux. Plusieurs auteurs grecs, et notamment Paléphate, expliquent les succès de Médée, si habile à rajeunir les vieillards, par l’emploi de bains doués d’une grande vertu médicale. Ils regardent cette princesse comme l’inventeur des bains artificiels, que les Grecs et surtout les Romains avaient fait entrer dans leur régime de vie, et qui n’ont pris rang que depuis bien peu d’années dans l’hygiène de l’Europe occidentale. On peut dire des Romains qu’ils recherchaient avec passion toutes les eaux minérales, et il n’est presque aucune source un peu efficace près de laquelle ils n’aient laissé les ruines de quelque construction attestant l’usage qu’ils en faisaient en bains, en breuvages, en étuves. Dans tous leurs établissemens militaires, même de second ordre, le théâtre et les thermes étaient indispensables, et par l’usage des bains ils semblent avoir bravé le climat de l’Afrique et celui de l’Égypte aussi bien que les climats du Nord. Aujourd’hui beaucoup de médecins célèbres regardent l’hygiène des thermes comme devant entrer dans le régime des soldats, quand ils occupent pour plusieurs an nées des pays dont le climat diffère beaucoup de celui de leur pays natal. On a, par exemple, proposé ce régime pour remédier à la consommation immense de soldats que fait l’Angleterre dans les nombreuses stations qu’elle occupe militairement sur la terre entière.

L’action occulte des eaux minérales est un des points traités dans le livre qui nous occupe. Riche d’observations propres, l’auteur sait quand on peut savoir, il sait douter dans les cas incomplètement observés ; enfin il avoue son ignorance, ou plutôt celle de tout le monde, quand la science n’a point encore rendu ses oracles. Ainsi la classification des eaux minérales, d’après leurs ingrédiens chimiques, semble très naturelle et très facile. Les eaux sulfureuses, les eaux ferrugineuses, les eaux alcalines ou salines, les eaux acides ou gazeuses, voilà quelque chose de clair et d’aisé à retenir. Eh bien ! l’expérience a prouvé que les maladies qui trouvent dans telle source une guérison ou un préservatif ne sont pas toujours en rapport avec la nature chimique de l’eau de cette source. Il faut donc énumérer chaque maladie et écrire à côté le nom de toutes les sources qui se sont trouvées salutaires pour ce genre d’affection morbide. Le tableau dressé par M. Constantin James des maladies et des eaux qui sont spécifiques pour chaque cas est une véritable consultation préalable offerte au malade et soumise à l’appréciation du médecin.

Tous ceux qui, même de loin, ont suivi les progrès de la physiologie, que l’on pourrait définir la science de la vie, savent combien est délicate la partie de la médecine qui a trait à l’emploi de tel ou tel remède, et combien on risque de contrarier la nature en croyant l’aider. On cite l’exemple d’un célèbre chimiste qui, ayant voulu traiter son estomac comme un vrai laboratoire, faillit compromettre son existence. S’il avait une aigreur d’estomac, vite il avalait des substances alcalines. Si au contraire il présumait