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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/219

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moins devenu le héros des états du sud, et les habitans de la Caroline lui ont voté une canne d’honneur, comme emblème de l’éloquence : qu’il faut employer à l’égard des abolitionistes. Ce sont là les rudesses d’une démocratie puissante sans doute, mais qui doit pourtant avoir ses limites, et qui ne saurait faire fléchir devant elle ni l’intérêt ni la fierté de l’Europe.

La France est étrangère à ce conflit diplomatique ; qui s’est engagé récemment entre l’Angleterre et les États-Unis. Elle est restée spectatrice, bien qu’elle ne soit pas entièrement désintéressée dans une telle affaire, pas plus qu’aucune des premières puissances européennes. Retirée d’une grande lutte, affranchie de toute complication extérieure, la France se replie aujourd’hui dans la vie intérieure, et son esprit y pourrait à coup sûr trouver encore bien des alimens. Par une circonstance particulière, les travaux législatifs semblent avoir pris dans ces derniers jours un redoublement d’activité, en même temps qu’ils s’étendent à une multitude d’affaires et d’intérêts. Tarifs de douanes, chemins de fer, drainage, sociétés en commandite ; toutes ces questions se succèdent et ne sont point encore épuisées. Il parait même douteux que le corps législatif puisse achever son œuvre ; si un peu plus de temps ne lui est pas accordé. Parmi les projets qui ont été présentés par le gouvernement, quelques-uns sont entièrement acceptés, d’autres sont soumis à des révisions ou à des modifications ; il en est même sur lesquels le corps législatif et le conseil d’état n’ont pas pu se mettre complètement d’accord. Trois projets surtout sont de nature à frapper l’attention parce qu’ils touchent à des intérêts considérables. Le premier est celui qui a trait aux tarifs de douanes, et qui tend à la suppression des dernières prohibitions encore existantes. L’acte proposé par le gouvernement n’avait rien d’extraordinaire ; il réalisait dans une mesure fort prudente un progrès naturel. Il faisait disparaître, il est vrai, les prohibitions restées jusqu’à ce jour inscrites dans les codes douaniers français ; mais, en supprimant ce régime d’exclusion il le remplaçait par un régime largement et efficacement protecteur : Il n’est pas ; moins vrai cependant que les industries jusque-là garanties par la prohibition se sont vivement émues. Un peu plus occupées d’elles-mêmes peut-être que de l’intérêt des consommateurs, elles ont réclamé le maintien du régime actuel. Dans la mesure proposée, elles ont vu sans doute moins ce qu’on allait faire aujourd’hui que la perspective d’une réduction graduelle des nouveaux tarifs, et elles ont pris l’alarme, si bien que le gouvernement a cru devoir les rassurer encore en élevant les droits qu’il avait d’abord proposés. Que le gouvernement prenne en considération les intérêts de l’industrie nationale qu’il couvre cette industrie d’une protection suffisante ; il accomplit un devoir : Malgré tout cependant, il y a dans les sociétés modernes des lois que les industriels eux-mêmes ne sauraient méconnaître, et ces lois ne conduisent pas : au maintien indéfini des prohibitions commerciales ; elles conduisent plutôt à la liberté, — liberté modérée et graduelle sans doute, mais : qui ne tend pas moins à abaisser les barrières entre les peuples, à faciliter les communications. L’essentiel dans ces matières est de ne point sacrifier des intérêts réels et véritablement nationaux à des théories entièrement chimériques. Un autre projet présenté par le gouvernement détermine les conditions auxquelles est assujettie la concession de ce