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hommes s’agitent ; ils deviennent les élémens de ce drame de la civilisation où chacun a son rôle, où chaque pays a ses affaires pratiques de tous les jours. La Hollande est-elle aujourd’hui à la veille d’une crise politique ? Il y a du moins à La Haye toutes les apparences d’assez graves difficultés intérieures. Le ministre des affaires étrangères, M. van Hall, a récemment donné sa démission, comme on sait. La retraite du principal ministre néerlandais, tout imprévus qu’elle fût, était le résultat des dissidences qui existaient au sein du cabinet. Il y avait deux élémens assez distincts en effet : l’un, libéral modéré, représenté par M. van Hall et M. Donker Curtius ; l’autre, inclinant vers le parti dit anti-révolutionnaire ou ultra-protestant et représenté par le ministre des finances, M. Vrolik, et le général Forstner Dambenoy, ministre de la guerre. Ces dissidences, si elles expliquaient la démission de M. van Hall, devaient inévitablement amener la retraite de quelques autres de ses collègues, et c’est ce qui n’a pas manqué d’arriver. M. Donker Curtius, ministre de la justice ; M. van Reenen, ministre de l’intérieur ; M. Mutsaers, ministre du culte catholique ; le contre amiral Smit van den Broecke, ministre de la marine, ont successivement déclaré l’intention de quitter le pouvoir, et de démission en démission le cabinet de La Haye en est venu à ne plus compter que deux membres. Seulement ici s’élevait une question des plus sérieuses : dans quel sens allait se recomposer le ministère ? Cette question était d’autant plus sérieuse, disons-nous, que les élections qui viennent d’avoir lieu, sans avoir un caractère très prononcé, ont été cependant en général favorables au libéralisme. L’opinion publique n’a point laissé de se préoccuper de cet incident, et elle a été encore plus émue par la formation d’un nouveau cabinet dont les membres sont notoirement attachés au parti ultra-protestant. Les nouveaux ministres sont M. Gevers van Endegeest, président de la deuxième chambre, aux affaires étrangères ; M. Simons, directeur de L’académie des ingénieurs civils de Delft, à l’intérieur ; M. van der Bruggen, président du tribunal de Nimègue, à la justice. Les autres ministres ne sont point encore nommés. L’avènement de ce cabinet, au moment où l’opinion semblait se prononcer dans un sens opposé aux idées qu’il représente, a jeté le trouble dans les esprits, et ces diverses circonstances ont donné un intérêt de plus aux élections qui restaient à faire, n’ayant pu être terminées dans un premier scrutin, faute d’une majorité suffisante. Jamais, depuis l’introduction du nouveau système électoral, on n’avait vu une telle émotion et un tel empressement des électeurs à aller déposer leur vote. À La Haye notamment, la lutte a été chaude et décisive ; elle s’est dénouée par la défaite du chef le plus éminent du parti ultra-protestant, M. Groen van Prinsterer. C’est son concurrent, libéral modéré, M. Gevers Deynoot, qui a été élu et qui a obtenu même une majorité plus forte que n’aurait pu le faire présumer le premier scrutin. À Dordrecht et à Bois4e-Duc, deux candidats libéraux, MM. van der Poel et de Poorter, ont été réélus. En un mot, ces secondes élections ont ressemblé un peu à une protestation contre le nouveau cabinet.

Maintenant que va faire le ministère ? Convoquera-t-il immédiatement la chambre qui vient d’être nommée, ou attendra-t-il quelques mois avant de tenter la fortune parlementaire ? S’il convoque la chambre, il se trouvera