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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/223

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inévitablement en face d’une opposition compacte ; s’il ajourne sa réunion, il laisse en suspens plusieurs lois utiles et pressantes. Autre question : si, en réunissant la chambre, le ministère éprouve un échec ; ce qui est probable usera-t-il de ce moyen suprême d’une dissolution au lendemain d’une élection ? Dans ce cas, le résultat ne serait guère douteux, le scrutin ne ferait que fortifier l’opposition libérale, tant l’opinion publique est prononcée. Ce n’est pas que les esprits modérés soient animés d’un sentiment d’hostilité systématique et personnelle : ils reconnaissent dans les nouveaux ministres des hommes intègres, des spécialités méritantes ; mais ils voient aussi en eux des hommes qui comprennent peu leur temps, et qui seraient capables de réveiller toutes les passions religieuses par une politique d’intolérance. Les ennemis plus ardens du nouveau cabinet l’accusent de vouloir porter atteinte au régime constitutionnel. Il faut ajouter que les hommes récemment entrés au pouvoir n’ont manifesté aucun dessein de cette nature, bien que ce soit la le vœu secret des membres exaltés du parti ultra-protestant. La grande raison de l’impopularité du ministère qui vient de se former, c’est que le bon sens hollandais répugne à ces brusques reviremens de politique qui n’ont d’autre effet que de réveiller d’anciens préjugés, de vieilles animosités, et il les accepte encore moins dans un moment ou la paix générale semble appeler toutes les nations à développes leurs intérêts et leur fortune.

L’Espagne ne cesse point malheureueement d’être un théâtre livré à ces agitations des partis, à ces luttes passionnées, qui, à mesure qu’elles se prolongent, altèrent toutes les conditions d’une vie politique régulière. Ce n’est pas que les passions révolutionnaires aient une force réelle au-delà des Pyrénées ; elles ne sont actives et toujours menaçantes que parce que les pouvoirs publics sont indécis et flottent entre toutes les directions. Le désordre d’en bas, si l’on nous passe ce terme, répond à l’incertitude d’en haut. Le gouvernement et les cortès ne se réveillent que quand l’émeute est flagrante, comme cela est arrivé si souvent depuis deux ans à Madrid, à Barcelone ; à Saragosse, à Badajoz, à Valence comme cela arrive en ce moment à Valladolid. Dès que l’émeute de la rue se tait, les cortès reviennent à leurs luttes intérieures, à leur travail de décomposition, et comme il n’y a point dans l’assemblée de Madrid une majorité suffisante pour appuyer ou pour imposer au besoin une politique, la situation de l’Espagne est chaque jour à la merci d’une surprise, de quelque coalition secrètement ourdie pour dissoudre le ministère, en jetant principalement la division entre ses deux chefs, Espartero et O’Donnell. Cette dissolution du ministère espagnol, du seul cabinet aujourd’hui possible au-delà des Pyrénées, c’est le parti exalté, composé de la fraction démocratique et de ce qu’on nomme les progressistes purs, qui la poursuit obstinément, et il saisit toutes les occasions de renouveler la lutte. Depuis un mois environ, il n’y a eu rien moins que trois ou quatre propositions de censure dirigées contre le gouvernement ou contre quelqu’un de ses membres La première proposition a été présentée à l’occasion d’une mesure adoptée par le capitaine-général de la Catalogne, lequel a pris la liberté fort grande de dissoudre des espèces de clubs formés à Barcelone et dans quelques autres villes sous le nom de comités progressistes.