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pour les différens services publics s’est beaucoup développé. Avec son titre de lauréat et l’assistance, qui sera toujours précieuse, d’une bonne protection, M. Mollien obtint la faveur d’être inscrit au ministère des finances en 1774, à l’âge de seize ans ; mais cette inscription n’était même pas l’équivalent du titre que, de nos jours, par une accumulation de prolégomènes, on appelle du nom d’aspirant surnuméraire. Pour que la porte des emplois s’ouvrît définitivement devant lui, il fallut plus d’une année encore et le patronage tout-puissant du maréchal de Richelieu. Il avait été recommandé à ce haut personnage par un maréchal de camp à qui, tout jeune qu’il était, il avait rendu service par la rédaction d’un mémoire sur une affaire d’où dépendait sa fortune. M. Mollien fut ainsi admis dans les bureaux des finances qui avaient à surveiller la ferme-générale.

Le système financier de cette époque était, on le sait, extrêmement défectueux. Il était différent et inégal de province à province ; il offrait en lui-même dans chaque localité une extrême complication qu’aggravaient encore les privilèges dont il était enchevêtré ; c’était un dédale où quelques initiés seuls pouvaient se reconnaître. Il était peu intelligent, en ce que les tarifs des droits étaient exagérés au point d’empêcher les consommations ou les transactions, et de susciter des obstacles, quelquefois insurmontables à l’exercice des arts utiles, et à la production de la richesse. Les procédés mêmes de la perception étaient hérissés de gênes pour l’industrie. Je ne dis pas assez : souvent ils offensaient l’humanité elle-même, car, rigoureux toujours, ils étaient fréquemment barbares et impitoyables envers le contribuable, particulièrement envers le pauvre : les peines les plus sévères, les galères même étaient la sanction des lois fiscales. En une seule année, les condamnations à la peine des galères pour la contrebande du sel excédaient le nombre de deux cents. Et pourtant avec cette multiplicité et cette lourdeur des taxes, avec cette brutalité des moyens de perception, on ne parvenait à assurer passablement ni les rentrées du trésor ni un revenu proportionné aux dépenses. Quant au crédit, le concours en était devenu bien difficile, parce que cent fois, après, des promesses solennelles, on avait manqué de parole aux rentiers et aux autres prêteurs. Si le trésor obtenait quelques avances, c’était de la part de personnes qui, d’un autre côté, étaient nanties d’un gage, et encore le plus souvent, même Il cette condition dégradante : pour l’état, il fallait subir un taux exagéré d’intérêt.

La ferme-générale, dont je viens de dire que la surveillance formait l’objet de l’administration à laquelle était attaché M. Mollien, avait passé avec le gouvernement un bail courant du 1er janvier 1774 au 31 décembre 1779, en vertu duquel, moyennant un