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la guerre de l’indépendance américaine, de lier les États-Unis à la France, par un traité de commerce conçu dans un esprit, libéral. Une des clauses eût consisté à ouvrir à l’Amérique un port franc sur le territoire français. M. Mollien rédigea dans ce sens un mémoire que le contrôleur-général des finances, alors M. Joly de Fleury, goûta beaucoup, et qui ne plut pas moins à M. de Vergennes. L’idée cependant n’eut pas de suites : les traditions restrictives et la routine prohibitioniste l’étouffèrent. Et ce n’est pas aux hommes de nos jours à s’en étonner : n’avons-nous pas vu, il y a quinze ans, les mêmes exigences forcer le gouvernement à renoncer à un acte de grande politique, l’association douanière avec la Belgique ? Le jeune employé retira de son travail beaucoup de considération personnelle. Les témoignages d’estime qu’il reçut de ses chefs, le firent rechercher de tout le monde, et bientôt il eut des relations avec l’illustre Lavoisier, l’un des soixante fermiers-généraux, qui montrait dans les questions d’économie publique la même supériorité dont il a laissé dans la chimie l’ineffaçable empreinte.

Le jeune commis et le savant fermier-général mirent leurs efforts en commun pour améliorer les revenus de l’octroi de Paris, sans élévation de taxe, par le seul effet d’une perception plus équitable, en supprimant, non sans indemnité, des privilèges qui avaient donné naissance à des abus onéreux pour les finances publiques. Lavoisier avait écrit sur ce sujet un mémoire qui avait éprouvé le sort que subissent tant de propositions utiles : on l’avait enfoui dans les cartons. Il y restait en oubli depuis quelques années, lorsque M. Mollien l’en retira. Communiqué par le chef immédiat de M. Mollien, M. de Villevault, au contrôleur-général des finances, le manuscrit de Lavoisier devint aussitôt l’objet d’un rapport au roi. On en adopta les conclusions, et M. Mollien fut chargé personnellement de faire des propositions aux chefs des établissemens privilégiés : c’étaient les Invalides, l’École militaire, la Bastille, et diverses communautés religieuses. On leur avait fait la faveur de les exempter de l’octroi ; mais, par la connivence intéressée de quelques personnes, on introduisait sous leur nom une quantité indéfinie de denrées qui avaient une destination tout autre que leur consommation propre. Une autre fraude non moins étendue résultait de la facilité que l’absence d’un mur d’enceinte donnait aux maisons ou jardins immédiatement contigus à la limite de l’octroi. On résolut de parer à ce dernier inconvénient par le moyen d’une muraille continue, et peu après en effet fut établie la clôture actuelle de la ville, avec les vastes bâtimens, destinés à servir de bureaux, qui se dressent à toutes les barrières, et dont on s’était flatté de faire des monumens dignes d’une grande capitale. Le lecteur sait si sur ce dernier point on a