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chez les autres, une partie au moins des fautes et des écarts de son règne aurait été évitée.

M. Mollien ne fût pas immédiatement en contact personnel avec le premier consul ; modeste et réservé à l’extrême, il ne s’occupait que de remplir ses devoirs et de faire rendre le plus de services possible à la petite institution, décorée d’un grand nom, à la tête de laquelle il était placé ; Ses deux collègues lui laissaient la peine et la responsabilité. Il y introduisit le mode de comptabilité qui était dès cette époque en usage dans le haut commerce français, je veux parler de la tenue des livres en partie double, qui n’avait pas pénétré encore dans les finances, au grand détriment de la chose publique, ainsi qu’on ne tarda pas à en acquérir chèrement la preuve, je dirai comment. M. Mollien rendit ce service à la caisse d’amortissement sans en informer qui que ce fût. Il ne s’est jamais vanté du bien qu’il avait fait, et j’ai indiqué, il n’y a qu’un instant, une des raisons qu’il avait ici pour le tenir secret.

Par l’habileté avec laquelle M. Mollien gouvernait la caisse d’amortissement, les obligations des receveurs-généraux, qui d’abord avaient subi sur la place un escompte de 3 à 4 pour 100 par mois, se relevèrent rapidement. Toutes celles qui revenaient à Paris après avoir été protestées dans les départemens étaient soldées sans retenue, sans délai, sans difficulté, par la caisse qu’il administrait. D’un autre côté, en achetant en temps opportun du 5 pour 100, qui, pour être beaucoup monté après le 18 brumaire, était pourtant à vil prix encore, l’institution avait fait des profits. M. Mollien en publia les premiers comptes au commencement de 1801. Ils établirent que le capital primitif de 10,810,000 francs se trouvait élevé, par l’effet de quelques attributions nouvelles, et surtout des bénéfices qu’elle avait obtenus en escomptant une partie des obligations qui flottaient sur la place, à 13,400,000 fr. ; qu’elle avait acheté : 1o pour 5 millions de francs d’actions de la Banque ; 2o pour 5,200,000 fr. de 5 pour 100, qui l’avaient rendue propriétaire d’une rente perpétuelle de 686,000 francs, inscrite sous son nom ; 3o qu’elle avait en caisse ou en portefeuille 3,600 ; 000 fr. Ces résultats furent jugés très brillans. M. Mollien était le seul qui ne les admirât pas, et je transcris ici le jugement qu’il en a porté, à cause de l’appréciation qui y est faite des finances d’alors en général.

« La conclusion que j’avais voulu qu’on tirât de ce résultat, dit-il, était celle-ci : c’est que si la caisse d’amortissement avait gagné 15 ou 20 pour 100 sur son capital, en achetant sur la place, à 2 où 3 pour 100 d’escompte par mois, les obligations des receveurs-généraux qui cherchaient des acheteurs, et en employant à cet escompte