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c’est pour que ces abus soient réprimés que je demande que les contractans soient jugés selon la loi commune des contrats. »

Le premier consul, fort radouci par les explications de M. Mollien et plus qu’ébranlé dans sa doctrine première, que la spéculation à la baisse est un crime d’état, se rabattit bientôt sur un terrain où il était possible à M. Mollien de se mettre d’accord avec lui : il souleva la question de la police intérieure de la Bourse. À cette occasion, il exposa, avec toute la puissance qu’il savait donner à son langage, quelques-unes des idées qui ont été l’esprit de son gouvernement. « Les agens de change, dit-il, auxquels leur état interdit toute spéculation personnelle, abusent de leur position et font des marchés pour leur propre compte ; souvent ils deviennent ainsi les adversaires de ceux mêmes qu’ils nomment leurs cliens. L’intérêt seul de la morale publique exige la répression de ces pratiques, et d’autres motifs s’y joignent encore. Les droits de la liberté cessent où en commencent les abus. Il est absurde que le gouvernement livre à tout venant, moyennant une taxe modique, sous le nom de patente, le privilège d’abuser impunément de la foi publique. Il faut, malgré les nouvelles théories contre les corporations, rappeler les agens de change à l’esprit de corps et à la discipline. Ils y étaient soumis avant 1789, ils subissaient des épreuves ; au lieu de payer un prix de location annuelle pour leurs fonctions, ils commençaient par déposer une finance ; c’était un premier gage pour l’état et le public, et encore ne suffisait-il pas qu’ils pussent remplir cette condition. Avant que leur admission fût définitive, la moralité, la capacité des candidats devaient être jugées par une espèce de jury composé des principaux agens de change ; ainsi c’était le corps entier qui répondait en quelque sorte de chacun de ses membres. Je ne crains pas de chercher des exemples et des règles dans les temps passés. En conservant tout ce que la révolution a pu produire de nouveautés utiles, je ne renonce pas aux bonnes institutions qu’elle a eu le tort de détruire. Les principes d’un gouvernement révolutionnaire ne peuvent pas être ceux d’un gouvernement régulier. Le grand ordre qui régit le monde tout entier doit gouverner chaque partie du monde. Le gouvernement est au centre de la société comme le soleil : les diverses institutions doivent parcourir autour de lui leur orbite, sans s’en écarter jamais. Il faut donc que le gouvernement règle les combinaisons de chacune d’elles de manière à les faire concourir toutes au maintien de l’harmonie générale. Dans le système du monde, rien n’est abandonné au hasard ; dans le système des sociétés, rien ne doit dépendre des caprices des individus. Je ne veux gêner l’indus trie de personne ; mais, comme chef du gouvernement actuel, je ne dois pas tolérer une industrie pour qui rien n’est sacré, dont le