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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/291

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semblera. Caché dans la maison de la nourrice, j’attendrai le retour du courrier de Constantinople et l’arrivée du messager de Maleka et de Selim. Si ce messager apporte une bonne réponse, ma tâche est facile, et c’est d’accord avec lui que je vous ramène l’enfant. Si au contraire ses instructions sont telles que je le crains, j’exhibe mes pouvoirs, j’arrête le misérable, et je reviens ici avec mon prisonnier, sans oublier l’enfant, bien entendu.

Il était aisé de prévoir qu’un tel plan obtiendrait l’approbation d’Anifé. Osman avait retrouvé son fils, il avait commencé l’œuvre de son salut, c’était à lui de l’achever. Quant au kadi, il hésitait encore. Vaincu enfin par les supplications de sa fille et de son neveu, il accorda l’autorisation demandée. Seulement, pour contrebalancer l’extrême jeunesse d’Osman, il lui adjoignit le plus vieux de ses serviteurs, un ancien janissaire, qui remplissait indifféremment les fonctions de saïs (palefrenier) et celles de kavas. Le second aide de camp donné à Osman était un Rouméliote, ancien soldat dans l’armée albanaise, homme résolu et entreprenant. Les préparatifs du départ furent terminés en quelques instans. Osman baisa les mains du kadi, embrassa Anifé de toutes ses forces, et se mit en route, accompagné de ses deux satellites. Quelques heures d’une marche rapide les conduisirent au village, et le jeune homme s’installa sans tarder chez la nourrice, qui mit à sa disposition la chambre la plus reculée de sa cabane.

Tandis que cette première partie du plan d’Osman s’exécutait, Selim était livré aux plus pénibles perplexités. Il venait de recevoir une lettre où Maleka exprimait des sentimens tout autres que ceux qu’il s’était flatté de provoquer. « Je vois avec peine, lui disait Maleka, que les artifices de cette petite fille et de sa sotte famille sont parvenus à obscurcir les clartés de la haute intelligence que je me plaisais jusqu’ici à reconnaître en vous. Quant à moi, je me soucie fort peu des soupçons et des accusations de gens que je méprise. J’ai fait ce que j’ai jugé favorable à mes intérêts, et je ne suis nullement disposée à m’en repentir. J’ai même assez de force et d’énergie pour me passer d’amis infidèles qui voudraient justifier leur propre métamorphose en opérant la mienne. Vous m’avez rendu service en me faisant connaître les pensées et les intentions d’Anifé et de son père, puisque me les dévoiler, c’est me donner les moyens de les déjouer, car je me décide à exécuter aujourd’hui ce que j’aurais dû accomplir dès le premier jour ; mais ce service m’ayant été rendu par vous involontairement, je ne suis pas tenue de vous en avoir aucune obligation. Libre de mon côté, je vous remets de bon cœur la dette de reconnaissance que vous avez contractée envers moi dans des temps plus heureux, mais trop reculés sans doute pour