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… Le monde entier n’est qu’un théâtre, — et tous, hommes et femmes, ne sont que des acteurs. — Ils ont leurs entrées, leurs sorties, — et chaque homme en sa vie joue plusieurs rôles. — Ses actes sont les sept âges. D’abord l’enfant — qui piaule et vomit dans les bras de sa nourrice. — Puis l’écolier pleurard, avec sa gibecière — et sa face reluisante du matin, se traînant comme un escargot, — à contre-cœur, vers l’école. Puis l’amant — soupirant comme une fournaise, avec une plaintive ballade — en l’honneur des sourcils de sa maîtresse. Ensuite le soldat, — plein de juremens étrangers, barbu comme un léopard, — jaloux de son honneur, brusque et violent en querelles ; — cherchant la fumée de la gloire — à la gueule du canon. Puis le juge — au beau ventre rond, garni de gras chapons, — le regard sévère, la barbe magistralement coupée, — rempli de sages maximes et de citations modernes ; — et de cette façon il joue son rôle. Le sixième âge passe ses jambes — dans le pantalon étriqué à pantoufles ; — des lunettes sur le nez, un sac au côté, — son jeune haut-de-chausses bien conservé, cent fois trop large — pour ses jambes rétrécies. Sa forte voix virile, — revenant au fausset enfantin, ne rend plus que les sons grêles — d’un sifflet ou d’un chalumeau. La dernière scène — de cette étrange histoire accidentée — est la seconde enfance, le pur oubli de soi-même. — Plus de dents, plus d’yeux, plus de goût, plus rien.


Comme il vous plaira est un demi-rêve. Le Songe d’une Nuit d’été est un rêve complet.

La scène, s’enfonçant dans le lointain vaporeux de l’antiquité fabuleuse, recule jusqu’à Thésée, qui pare son palais pour épouser la belle reine des Amazones. Le style, chargé d’images tourmentées, emplit l’esprit de visions étranges et splendides, et le peuple aérien des sylphes vient égarer la comédie dans le monde fantastique d’où il est sorti.

C’est d’amour qu’il s’agit encore. De tous les sentimens, n’est-il pas le plus grand artisan de songes ? Mais il n’a point ici pour langage le caquet charmant de Rosalinde ; il est ardent comme la saison. Il ne s’épanche point en conversations légères, en prose agile et bondissante ; il éclate en larges odes rimées, parées de métaphores magnifiques, soutenues d’accens passionnés, telles que la chaude nuit, chargée de parfums et scintillante d’étoiles, en inspire à un poète et à un amant. Lysander et Hermia conviennent de se rencontrer le soir « dans le bois où souvent ils se sont assis sur des lits de molles violettes, à l’heure où Phœbé contemple son front d’argent dans le miroir des fontaines, et parsème de perles liquides les touffes serrées du gazon. » Ils s’y égarent et s’endorment, fatigués, sous les arbres. Un sylphe touche de la racine magique les yeux du jeune homme, et change son cœur. Tout à l’heure, à son réveil, il se prendra d’amour pour celle qu’il apercevra la première. Cependant Démétrius, amant rebuté d’Hermia, erre avec Héléna, qu’il rebute, dans le bois solitaire. La fleur magique le change à son tour : c’est