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question avait été décidée en faveur des rois de Macédoine, car ils étaient admis aux jeux olympiques ; mais outre les argumens irrésistibles, qui ne leur manquèrent jamais, ils pouvaient faire valoir leur descendance de héros et de demi-dieux. Quant à la masse de la nation, avant le règne de Philippe, je ne pense pas que les Grecs en fissent beaucoup plus de cas que des Illyriens ou des Thraces, peuples contre lesquels les Macédoniens étaient en guerre depuis un temps immémorial, et avec lesquels ils avaient cependant une grande conformité de mœurs. La langue macédonienne, intelligible peut-être pour un Athénien ou un habitant du Péloponèse, n’était pas honorée du nom de dialecte.

Quant au gouvernement, il n’avait rien d’hellénique. Les rois de Macédoine paraissent avoir été des autocrates dont le despotisme n’était tempéré que par des traditions patriarcales et par le caractère peu endurant et vindicatif de leurs sujets. Le risque d’un assassinat, accident assez fréquent parmi ces souverains, était le principal frein apporté à leur autorité. Auprès d’eux, de même que chez les rois asiatiques, les enfans des familles les plus distinguées acceptaient des fonctions que les Grecs eussent considérées comme serviles. Ainsi la plupart des chefs commençaient par être pages ou gardes du roi ; mais un trait des mœurs macédoniennes qui nous rappellera les mœurs des barbares du Nord, c’est l’influence qui paraît avoir été exercée par les femmes. Du moins l’histoire nous montre plusieurs princesses prenant part aux intrigues qui agitent leur pays. En général, leur rôle est cruel et violent, mais enfin elles ne sont pas des machines à filer, comme dans la Grèce polie. Dans un pays si pauvre, il n’y avait pas sans doute de gynécées ; hommes et femmes vivaient ensemble sous l’autorité du chef de famille, et les femmes avaient pris quelque chose de la férocité de leurs frères et de leurs maris. Aujourd’hui encore en Albanie, les femmes, même musulmanes, jouissent de plus de liberté qu’en aucune autre province, et le fameux Ali-Pacha fut, dit-on, excité à de sanglantes vengeances par sa mère et sa sœur.

Comme soldats, les Macédoniens n’avaient encore aucune réputation. Leur cavalerie, qui se recrutait parmi la noblesse, ne valait pas la cavalerie thessalienne ; quant à l’infanterie, c’était une multitude sans ordre, mal armée, incapable de se mesurer avec des hoplites grecs. Cependant, accoutumés à une vie rude et aventureuse, les Macédoniens avaient toutes les qualités qui font les bons soldats. Il ne leur manquait que la discipline et un chef. Ce chef fut Philippe.

Philippe, troisième fils d’Amyntas, roi de Macédoine, fut à l’âge de quinze ans remis comme otage aux Thébains, au moment où ce