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grand jugement et l’autorité persistaient au milieu d’un déclin physique très apparent, de longs entretiens sur les questions qui nous préoccupaient, particulièrement sur le droit de visite, et malgré l’extrême réserve de leurs paroles, malgré l’incertitude, encore grande, de leurs intentions, je revins persuadé que le cabinet anglais ne tarderait pas à reconnaître lui-même qu’après les débats soulevés et au milieu des écueils à grand’peine évités depuis trois ans, le droit de visite n’était plus entre la France et l’Angleterre, pour la répression de la traite, qu’un mot vain, une arme inefficace, et pour les bons rapports des deux pays un continuel péril. Le duc de Broglie, en se chargeant d’aller suivre à Londres cette négociation, en détermina l’heureuse issue : il avait signé la convention de 1833 ; toute l’Angleterre savait avec quelle sincérité et quelle constance il était dévoué à l’abolition de la traite et de l’esclavage ; elle portait, et à son caractère en général, et à ses sentimens sur cette question en particulier, une entière confiance. Le docteur Lushington, chargé par le cabinet anglais de négocier avec lui, avait, dans l’opinion de son pays, des mérites et une autorité analogues ; ils surmontèrent, non sans travail, mais d’un commun et loyal effort, les difficultés, grandes encore, de la question ; les officiers de marine qui leur avaient été adjoints pour en étudier les détails pratiques, entre autres le capitaine Bouet pour la France et le capitaine Trotter pour l’Angleterre, y portèrent le même bon vouloir, le même désir de succès. Le 29 mai 1845 fut signé le traité qui substituait au droit de visite un nouveau mode de concert et d’action, entre la France et l’Angleterre, pour la répression de la traite, et ce nuage disparut de l’horizon.

Dans l’affaire du droit de visite, c’était la France qui se montrait susceptible et réclamait un nouveau droit entre les deux états ; dans l’affaire de Taïti, ce fut l’Angleterre qui se crut offensée et en droit de demander une réparation. Non que le gouvernement anglais lui-même fût, à l’origine de cet incident, vivement intéressé dans la question : il avait, en 1827, sous le ministère de M. Canning, formellement refusé la possession de l’île de Taïti, que les chefs indigènes lui avaient offerte, et il n’avait ainsi nul droit à faire valoir contre l’établissement du protectorat français ; mais nous nous trouvions là en présence d’une autre puissance anglaise considérable, quoique sans titre politique, et avec laquelle sir Robert Peel et lord Aberdeen avaient grandement à compter.

C’est une assertion admise comme un fait, et incessamment répétée dans la plupart des journaux catholiques, que le protestantisme est en pleine décadence, qu’il ne compte plus guère dans son sein que des indifférens ou des esprits empressés de retourner au catholicisme, que partout enfin il se refroidit et se décompose, comme les