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contestable dans ses prémisses et dans ses conclusions, est digne de l’attention la plus sérieuse. L’auteur n’a pas fait une œuvre vaine, aujourd’hui surtout, en montrant tant de nobles et vaillans esprits occupés à résoudre, chacun à sa manière, les antinomies du scepticisme. La partie dogmatique de son livre prête aux objections les plus graves; tout ce qui est histoire et biographie est un service rendu à la pensée.

L’histoire des idées est donc ce qui tient la première place, ou du moins ce qui attire le plus l’attention dans les travaux des philosophes allemands. Est-ce un bien? est-ce un mal? Ce serait un mal, à coup sûr, si la pensée créatrice abdiquait pour longtemps; considérée comme une crise passagère, cette disposition des esprits ne peut qu’être profitable à l’Allemagne. Le meilleur remède contre les abstractions énervantes, n’est-ce pas l’étude de la réalité? La biographie des hommes qui ont pris part aux combats de l’intelligence, le tableau de leurs systèmes, de leurs prétentions et de leurs erreurs contiendra pour leurs héritiers des avertissemens précieux. L’instinct général l’a compris de cette manière ; que les écrivains s’en accommodent ou non, ce que le public lettré cherche avant tout dans leurs travaux philosophiques, c’est la partie réelle, concrète, vivante, l’histoire des penseurs unie à l’histoire des systèmes. On peut dire que toutes les luttes de l’esprit, au lieu de se produire comme autrefois sur le champ de bataille des pensées abstraites, éclatent en ce moment sur le terrain de l’histoire. Les dernières années ont vu paraître un certain nombre de travaux consacrés au développement de la pensée philosophique depuis Descartes jusqu’à Spinoza, et depuis Kant jusqu’à Hegel. Un penseur assez aventureux, qui ne peut que tempérer sa fougue dans ce commerce avec l’histoire, M. Kuno Fischer, a publié des livres justement remarqués sur Spinoza et sur Leibnitz. Un autre écrivain, mieux initié encore à cette philosophie du XVIIe et du XVIIIe siècle, M. Guhrauer, a mis en lumière avec bonheur une physionomie scientifique tout à fait inconnue jusqu’ici : je parle de ce Joachim Jungius, médecin, mathématicien, astronome, philosophe, qui réforma la science en Allemagne comme Descartes en France et Bacon en Angleterre. On savait que Joachim Jungius avait été l’ami et l’émule de Kepler; Goethe avait publié sur sa vie et ses œuvres quelques fragmens pleins d’intérêt; M. Guhrauer a pris plaisir à retrouver sa biographie tout entière, il l’a suivi de ville en ville au milieu des péripéties de la guerre de trente ans, et il a tracé de ce rare esprit un portrait vivant qui gardera toujours sa place dans le walhalla de l’Allemagne. Ce n’est pas la seule biographie philosophique qui soit due à M. Guhrauer. Je signalais ici, il y a quelques années, une savante histoire de Lessing, dont M. Danzel,