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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/500

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voie nouvelle à son talent. M. Berthold Auerbach a vu l’Allemagne triste et découragée; il s’est fait son conseiller, son instituteur moral. Sous ce titre, la Cassette du compère, il vient de publier une série d’entretiens où un bonhomme de village, cœur excellent, esprit très avisé, communique à tous les enfans de la commune les leçons de son expérience. Écoutez! le voilà qui parle, et tous, jeunes et vieux, s’empressent autour de lui. Les plus grands sujets comme les plus humbles, il les traite sous une forme populaire. Il a toujours maintes histoires à conter à l’appui de ses maximes. Que de bonnes pensées il a semées déjà! que de malheureux il a consolés! C’est pour cela qu’on l’appelle le compère; les meilleures actions qu’on ait à citer dans le pays, les plus beaux traits de vertu, de résignation et de courage, si ce n’est pas lui seul qui les a inspirés, certainement il en a été le parrain. Et ce n’est pas seulement le village qui profitera de l’enseignement du compère, l’Allemagne entière ne l’écoutera pas sans fruit. Avez-vous perdu confiance dans votre siècle; vous sentez-vous enclin à mépriser tous les hommes, parce que vous avez rencontré sur votre route des méchans et des lâches; la ruine de vos espérances a-t-elle abattu votre foi ; les faux plaisirs, la fausse ambition ont-ils émoussé chez vous le goût de tout ce qu’il y a de divin en ce bas monde : prêtez l’oreille aux récits du compère; il a des formules pour redresser les boiteux et rendre la vue aux aveugles. Le compère ne permet pas qu’on se dégoûte de la vie; il ne veut pas, comme dit le proverbe, qu’on jette le manche après la cognée. Il fait une rude guerre au pessimisme. Le progrès général, c’est le perfectionnement de chacun de nous. Personne n’est désintéressé dans le travail du genre humain. Le devoir accompli, même dans la sphère la plus humble, c’est autant de gagné-sur l’ennemi qui arrête le progrès de l’humanité. Le compère sait tout cela, et il ne le dit pas en formules abstraites, il le montre en de vivans exemples. Il y a quinze ans, lorsque M. Berthold Auerbach publia ses premiers ouvrages, la littérature allemande était envahie par les romans de salon; il visita la Forêt-Noire, il étudia la nature, il peignit les sentimens vrais sous leur forme la plus simple, et les mâles parfums qui s’exhalent des sillons rafraîchirent les imaginations affadies. Hier l’Allemagne était découragée; M. Auerbach a fait parler son compère, et l’espoir renaît au fond des cœurs.

Parmi les écrivains qui se préoccupent, comme M. Berthold Auerbach, de l’éducation du peuple, n’oublions pas l’auteur des Scènes du Ghetto et des Juifs de Bohême, M. Léopold Kompert, et un autre romancier venu aussi de la Bohême allemande, M. Adalbert Stifter. M. Kompert est le peintre des Israélites autrichiens, et l’on sait avec quelle élévation de pensée il a étudié la vie religieuse et