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calme et silencieux devant les hommes. » Virils conseils, vrai stoïcisme chrétien qui a déjà consolé l’Allemagne au milieu de ses déceptions. Les formes sont bien différentes à coup sûr, et pourtant ne sentez-vous pas une même pensée qui anime les récits du compère, les chansons de Mirza-Schaffy et les strophes de Julius Hammer?

Le théâtre, qui a tant de peine à se régénérer chez nos voisins, n’a pas été complètement étranger aux inspirations dont je rassemble ici les témoignages. Un drame emprunté aux annales de la vieille Germanie excite depuis deux ans une sympathie universelle, et ce drame exprime avec force des pensées toutes viriles; je parle du Gladiateur de Ravenne, représenté d’abord sur le théâtre de Vienne, et qui a fait le tour de l’Allemagne au milieu des applaudissemens. Les amateurs d’anecdotes et de singularités littéraires ont eu amplement ici de quoi satisfaire leur goût; le Gladiateur de Ravenne a d’abord paru sans nom d’auteur, le drame avait été envoyé de Dresde au Burg-Theater de Vienne; il avait été accepté, étudié, mis en scène, représenté enfin, sans que le directeur, M. Henri Laube, pût savoir à qui il devait en faire honneur. Le succès obtenu à Vienne et bientôt à Berlin, à Munich, à Francfort, à Dresde, ne décida pas l’auteur à se déclarer, et il fallut la plus singulière des réclamations, il fallut qu’un pauvre maître d’école de Bavière, auteur d’une tragédie sur un sujet analogue, se prétendît victime d’un plagiat pour que le poète applaudi d’un bout de l’Allemagne à l’autre consentît enfin à reconnaître son œuvre. Ce poète est un Viennois, M. Frédéric Halm, célèbre déjà par des drames que j’ai eu l’occasion d’apprécier ici même[1]. La discussion soulevée par le maître d’école a failli devenir un événement. J’étais à Vienne quand M. Halm, obligé enfin de se découvrir pour dégager M. Henri Laube, assuma fièrement la responsabilité de son œuvre, et j’ai pu voir avec quelle impatience cette déclaration était attendue. Tous les journaux du midi et du nord avaient pris parti dans la lutte. C’était le moment où les plénipotentiaires du congrès de Paris allaient terminer leur tâche, et l’on peut dire que les incidens du Gladiateur de Ravenne balancèrent un instant l’intérêt des nouvelles de France. — Hélas! me disait amèrement un poète illustre, les grandes nations de l’Europe sont occupées à régler la paix du monde, et l’Allemagne est tout entière absorbée par la question du Gladiateur de Ravenne! — Le contraste en effet pouvait avoir quelque chose de pénible; mais est-ce bien à l’auteur qu’il faut s’en prendre, et cette controverse n’était-elle pas un succès de plus?

Laissons de côté les motifs qui ont amené M. Halm à garder si

  1. Voyez dans la Revue du 1er octobre 1847 le Théâtre moderne en Allemagne.