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d’or et de soie, se pavane derrière le chah; écoutez comme il le dépouille de sa splendeur d’emprunt et lui prouve gaiement sa nullité. M. Bodenstedt est un des trois poètes du roi de Bavière; y a-t-il là quelque piquante allusion ? Non, le poète ne peint que des types : en Allemagne comme ailleurs, plus d’un vizir peut se reconnaître dans le tableau de l’humoriste.

C’est aussi la pensée morale qui brille dans les poésies de M. Julius Hammer. Γνῶθι σεαυτόν, dit la sagesse antique; M. Hammer intitule son livre : Regarde autour de toi et regarde en toi (schau um dich und schau in dich). C’est tout un traité de morale que le poète a donné à l’Allemagne sous une forme populaire et charmante. Il y a une quinzaine d’années, deux écrivains de l’école hégélienne avaient essayé de créer cette poésie gnomique, et ils affichaient la prétention de la substituer à l’Evangile et aux livres de prières. Évangile des laïques, Bréviaire des laïques, c’était sous ce titre que M. Frédéric de Sallet et M. Léopold Schefer publièrent les livres saints du panthéisme. M. Julius Hammer a compris que la vraie poésie morale, pour toucher tous les cœurs, ne doit pas être empruntée aux formules d’un système, mais à la nature même de l’homme. Dès que l’âme s’interroge elle-même avec franchise, elle trouve en soi ce qu’on a appelé avec raison le christianisme naturel. Comme elle se sent faible et dépendante, elle a foi dans le maître invisible qui l’a créée, elle espère dans sa bonté et elle aime les œuvres de ses mains. Tel est le thème de M. Hammer : il chante les croyances éternelles, il célèbre la foi, l’espérance et l’amour. Voilà donc la poésie allemande revenue à l’inspiration chrétienne; mais si le christianisme enseigne la soumission, il condamne en même temps la pusillanimité. M. de Lamartine a eu raison de le dire :

Les siècles page à page épèlent l’Évangile,
Vous n’y lisiez qu’un mot et vous en lirez mille.

En haine de l’esprit de révolte, on a trop insisté peut-être sur l’idée de la soumission chrétienne; nos poètes allemands s’appliquent à relever la fierté morale, et en rattachant l’homme à Dieu, ils lui apprennent à ne pas se courber devant les idoles. La prédication, ce me semble, est opportune, et comme elle est dégagée de toute pensée révolutionnaire, elle exercera une action bienfaisante. « Dans le silence de la nuit, agenouille-toi devant Dieu et dis-lui : Que ta volonté soit faite! mais ne t’agenouille pas devant l’homme. Si les impénétrables décrets de la Providence t’infligent de rudes épreuves, tourne-toi vers elle, c’est un secret entre elle et toi, et quand même ton cœur serait brisé, que ta lèvre n’en laisse pas échapper un mot! Laisse ton cœur se briser, laisse-le éclater dans ta poitrine; sois