Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/513

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les grandes guerres du temps des Français; ces mauvais jours sont revenus. Pillés par les amis, pillés par les ennemis, foulés par tous, voilà notre sort. Le mois dernier, vos volontaires ont tout saccagé en passant par ici. Voulez-vous donc qu’aujourd’hui ces Allemands nous brûlent vifs dans nos maisons?

Tout en parlant, il attelait à la hâte un chariot. — Allons, partez, dit-il à Maxime quand tout fut prêt; partez au plus vite; sautez sur ce char, mon fils vous conduira en lieu sûr. S’ils vous voyaient ici, ils incendieraient notre village.

— Cela vous donnerait peut-être du cœur, répondit Maxime irrité, et de rage brisant son épée, il s’assit à terre, décidé à ne pas défendre plus longtemps une vie misérable, découragé, accablé, doutant de l’Italie, saisi de cet immense dégoût de toutes choses qui envahit l’âme au spectacle des lâchetés populaires. On le suppliait de partir, il refusa durement. — Livrez-moi, leur dit-il, livrez-moi à vos amis, à vos maîtres, et que la honte en retombe sur vous!

Quatre mains vigoureuses l’enlevèrent brusquement et le jetèrent sur le chariot au milieu des ramures; les chevaux partirent au galop. En deux heures de course, ils eurent atteint l’extrémité de la chaussée. Le jeune paysan qui menait la voiture s’était assis à côté de Maxime d’un air résolu, et très décidé à le retenir de force s’il tentait de s’évader. Maxime n’y songeait guère; il avait pris très gaiement son parti, et se laissait conduire avec insouciance à la fantaisie de ce guide si zélé. Lorsqu’ils se séparèrent, ce fut de très bon cœur qu’il le remercia pour ses bons offices.

Maxime avait été recommandé par son guide à des métayers qui voulaient le garder chez eux et lui donner asile. L’ennemi n’avait pas encore pénétré dans le pays; mais comme les armées se rapprochaient, disait-on, tous ces paysans vivaient dans des terreurs extrêmes. Du reste ils ne savaient rien des nouvelles de la guerre, et de leurs récits contradictoires il n’y avait pas à retirer la moindre indication. Il apprit d’eux qu’il y avait à quelques lieues de là un château, la casa Olgiati, habité par un étranger dont l’arrivée avait mis tout le pays en rumeur. On le voyait passer souvent sur la route avec sa suite de laquais. On racontait de lui toute sorte d’histoires extraordinaires. Sur ce qu’on lui dit de cet étranger, Maxime se décida à partir pour la casa Olgiati en compagnie d’un chasseur qui s’en allait de ce côté.

La casa Olgiati avait été louée pour toute la saison d’été par un Anglais, nommé sir John Harris, qui revenait de Rome. Sir John était membre de la chambre des communes et votait avec les whigs quand par hasard il se trouvait à Londres, car c’était bien le plus errant des Anglais voyageurs, et, sous prétexte d’étudier les questions de