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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/512

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seconde décharge, tous les cavaliers qui suivaient Maxime Alghiera étaient renversés ou frappés à mort. Maxime seul traversa cet ouragan sans autre blessure qu’un coup de feu au bras ; son cheval, criblé de balles, s’enleva désespérément du milieu des cadavres, et vint s’abattre dans un fourré d’herbes et de roseaux. Maxime s’étendit à plat-ventre sous le feuillage comme un mort. Tout un régiment défila à dix pas de lui. Jusqu’à la nuit, il resta dans cette attitude, et comme il était brisé de fatigue, il finit par s’endormir au bruit monotone de la canonnade.

Lorsqu’il se réveilla, la fusillade avait cessé. Il se hasarda à sortir du fourré et monta sur un arbre. Les armées s’étaient déplacées de quelques lieues sur la gauche ; dans le lointain, les feux de bivouac des Autrichiens s’étendaient en lignes sinueuses jusqu’à la rivière ; plus en arrière, à une lieue de là, une seconde ligne de feux indiquait les positions occupées par les Piémontais. Maxime calcula qu’il pourrait les rejoindre par un détour en marchant toute la nuit sur la gauche, et, craignant de tomber dans quelque avant-poste, il s’enfonça encore dans les terres ; mais dans la nuit l’armée sarde s’était mise en retraite sur Lodi, et lui, marchant dans une direction opposée, il s’éloignait de plus en plus. Au point du jour, il se trouva sur la route de Nasi. Une troupe de paysans sortait de ce village. Maxime s’avança vers eux en agitant son chapeau et criant : Vive l’Italie ! Ces paysans lui rendirent le salut, mais aucun d’eux ne répéta le cri national. — Que craignez-vous ? leur dit Maxime, je suis des vôtres. Voici le moment de laisser les bêches pour les fusils. Que toute votre jeunesse s’arme ! Je conduirai les plus braves au camp du roi.

Tous s’empressaient autour de lui et lui demandaient des nouvelles de la guerre ; il se mit à les haranguer passionnément, en leur racontant le combat de la veille. Il reconnut bientôt que leur curiosité seule était excitée ; on l’écoutait avec intérêt, mais comme on écoute un acteur au théâtre. Tout à coup une femme accourut hors d’haleine en criant : — Fuyez, fuyez, seigneur capitaine ! Ils arrivent, ils arrivent !

Un parti de fourrageurs ennemis se montrait dans le lointain. Ils étaient une centaine environ, et n’avançaient qu’avec prudence, au petit trot de leurs chevaux. — Ah ! l’honnête fortune ! dit Maxime. Ils sont à nous, mes amis ! Qu’on les laisse s’engager jusqu’aux prairies, et, quand ils auront dépassé la chaussée, qu’on sonne le tocsin dans le village ; nous, par ici, nous leur couperons la retraite.

Quelques jeunes gens, entraînés par son ardeur, se disposaient à courir au clocher ; mais le chef de famille, qui se trouvait là, les arrêta. — Tout ceci finira mal pour nous, dit le vieux paysan. J’ai vu