Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/589

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cédons à personne. Notre caractère national, les institutions libres sous lesquelles nous vivons, notre liberté de pensée et d’action, une presse sans entraves qui répand rapidement les découvertes et les progrès, toutes ces circonstances nous placent à la tête des nations qui se développent mutuellement par le libre échange de leurs produits. Est-ce là un pays qui doive redouter la concurrence, un pays qui ne puisse prospérer que dans l’atmosphère artificielle de la prohibition ? Choisissez votre devise : « Avance » ou « recule… » Je vous conseille de donner aux autres pays l’exemple de la libéralité. Agissez ainsi, et vous aurez assuré au grand corps de notre peuple de nouvelles garanties de satisfaction et de bien-être. Agissez ainsi, et vous aurez fait tout ce que peut faire la sagacité humaine en faveur de la prospérité commerciale. Vous pouvez échouer. Vos mesures peuvent être inefficaces. Elles ne sauraient vous donner la certitude que la prospérité de l’industrie et du commerce continuera sans interruption. Les mauvaises saisons, les hivers sombres, les temps de détresse peuvent revenir ; il se peut que vous ayez à offrir de nouveau au peuple anglais les vaines expressions de votre sympathie et de pressans conseils de résignation patiente. Interrogez vos cœurs, et répondez-moi à cette question : Est-ce que vos assurances de sympathie seront moins consolantes et vos exhortations à la patience moins efficaces, si à cette époque, de votre libre consentement, les lois sur les grains ont cessé d’exister ? Est-ce que ce ne sera pas pour vous une satisfaction de penser que par votre propre volonté vous vous êtes déchargés de la pesante responsabilité de régler la somme et le prix des subsistances ? Est-ce que vous ne vous direz pas alors, avec une joie profonde, qu’aujourd’hui, à cette heure de prospérité comparative, sans céder à aucune clameur, à aucune crainte, si ce n’est à cette crainte prévoyante qui est la mère de la sûreté, vous avez prévenu les mauvais jours, et que, longtemps avant leur venue, vous avez écarté tout obstacle à la libre circulation des dons du Créateur ? »

Volontaire ou involontaire, empressée ou arrachée, l’admiration fut générale ; les radicaux se livrèrent à la leur avec transport : « L’honorable baronet, s’écriait M. Bright, a prononcé hier un discours plus puissant et plus admirable que de mémoire d’homme il n’en a été entendu dans cette chambre ; je l’ai observé à sa sortie, pendant qu’il retournait chez lui, et pour la première fois je lui ai envié ses sentimens. » Et s’adressant aux conservateurs : « C’est vous qui l’avez porté au pouvoir. Pourquoi ? Parce qu’il était le plus capable de votre parti. Vous le disiez tous ; vous ne le nierez pas aujourd’hui. Et pourquoi était-il le plus capable ? Parce qu’il avait une grande expérience, des connaissances profondes et une honnête sollicitude pour le bien du pays… C’est quelque chose que d’avoir