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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/605

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américains qui n’ait fait son profit des importantes découvertes de l’intrépide colonel, et des précieuses indications qu’il avait rassemblées dans ses premiers voyages.

Les expéditions qui ont succédé aux voyages de Frémont, et qui nous occuperont dans la dernière partie de cette étude, remontent au mois de mars 1853. C’est alors que le congrès ordonna de commencer les études du chemin de fer du Pacifique, et vota la somme de 150,000 dollars pour en payer les frais. Six expéditions furent chargées d’explorer les routes qui traversent le continent à diverses latitudes, depuis le 32e jusqu’au 41e degré. Les rapports des commandans américains ont déjà été soumis au congrès, et dès aujourd’hui on peut tirer de ces documens quelques conclusions relativement à l’établissement du chemin de fer du Pacifique, à la route qu’il doit suivre et aux obstacles de toute nature qui peuvent en retarder ou peut-être en empêcher la réalisation.


I. — EXPEDITIONS DE FRÉMONT DE 1842 A 1845.

Les premiers et pendant longtemps les seuls géographes des contrées lointaines de l’ouest ont été ces chasseurs, désignés communément sous le nom de trappeurs, dont l’existence aventureuse a été dépeinte par Cooper avec tant de charme. Obligés de parcourir sans cesse les vastes solitudes de l’ouest, ils en ont visité dès longtemps les parties les plus reculées, ils en connaissent les ressources, les fleuves, les rivières, les arbres, les plantes, les animaux. Plus d’un, la carabine sur l’épaule, est allé s’aventurer dans les plus hautes vallées des Montagnes-Rocheuses et aux alentours du Grand-Lac-Salé, avant que personne eût songé à s’y établir. Seulement la géographie toute pratique des trappeurs n’a jamais été formulée dans des livres : la puissante compagnie de la baie d’Hudson, qui pendant si longtemps les employa exclusivement, n’a jamais jugé à propos de livrer au public les renseignemens que depuis de si longues années elle a pu rassembler sur ces régions inconnues. De nos jours, il s’est formé plusieurs compagnies américaines qui font le commerce des fourrures dans le territoire des États-Unis, mais elles ont dû recruter la plupart de leurs agens dans le Canada. On le devine en jetant les yeux sur une carte de ces territoires vagues, compris encore souvent sous le nom de territoire indien, car on voit que les noms y sont pour la plupart d’origine française. Les chasseurs canadiens sont depuis longtemps habitués à la vie des prairies; mais il n’est pas rare de voir que des Américains, quelquefois assez instruits et bien élevés, adoptent cette existence hasardeuse par ennui, par dépit ou par simple amour des aventures. Il s’en faut de beaucoup